par Dominique Watrin
IPH Editions, 184 pages, 2001.
Dix histoires, c'est pas mal pour un seul livre. Dix histoires tristes, c'est carrément génial. Surtout, si les fins des histoires sont aussi tristes. Et les personnages tristes.
Tiens ! Parlons-en des personnages. Il y a Emma, l'épouse battue qui devient femme à battre. Il y a aussi Gérard, le psychopathe explosif et Gabriel le chroniqueur des cœurs écoeuré. Et il y a les autres. Luc. Marcel et Odette. Aline. José, François-Xavier et Liliane. Daniel. Jean-Claude. Pierre.
Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !, ce sont dix accidents de la vie, dix existences qui basculent. Ou qui ont déjà basculé. Vers un triste sort !
Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !, ce sont dix séries de rebondissements hallucinants et hors entendement. Dix odes à la communication. Avec, à chaque fois, un "inter-média-ire" inattendu. Et triste.
Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !, ce sont dix récits incroyables où la télévision, l'écriture, la langue et le pouvoir jouent un rôle inattendu. Un rôle triste !
Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !, c'est ce que vous auriez mieux fait de vous dire avant de lire ces quelques lignes. Et de dévorer bientôt ces dix récits noirs.
"Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !", recueil de fiction écrit par Dominique Watrin regroupe dix histoires courtes construites autour d'un thème central : la communication. Ou plutôt, la communication et l'Homme.
Le propos part d'un constat très actuel : la communication et le média sont omniprésents dans notre société. Chaque domaine de la vie, chaque moment, heureux ou malheureux, sont dominés par l'image et l'instant. Mais qu'arrive-t-il lorsque la belle harmonie apparente dérape ? Que devient un être humain lorsqu'il est confronté avec les dérèglements d'un système où la télévision, l'écriture, la langue et la rencontre se muent en enjeux de pouvoir ? Que devient ce système lorsqu'il est contrôlé par des gens sans scrupules ou lorsqu'il échappe soudain à tout contrôle ? Avec ironie, avec un humour qui donne des touches burlesques aux péripéties les plus sombres, Dominique Watrin a bâti dix scénarios noirs poussant tous les terrains de communication vers des dérives inattendues. Et on ne peut pas dire que le lecteur n'est pas prévenu puisque, avec son titre en forme de sentence populaire, "Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !" fixe d'emblée les termes de son fil conducteur : toute forme de communication peut soudain déraper et virer au cauchemar.
Mais "Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !", c'est aussi et surtout dix destins humains. De Emma, épouse battue devenue femme à battre, à Gabriel, le chroniqueur des cœurs écoeuré, ce sont dix drames, dix histoires personnelles qui sont contés. D'événement hallucinant en suspense insoutenable, un tourbillon vertigineux emporte les personnes vers des situations à la fois absurdes et tellement proches de la réalité. Les drames défilent donc au gré de 184 pages de rebondissements hors entendement. Le lecteur est tenu en haleine, bousculé, ballotté, conduit de surprise en surprise par l'auteur qui, dans le même temps, presque sans qu'on s'en aperçoive, lacère nos certitudes.
Ces dix drames loufoques, empreints de surréalisme, conjuguent, curieusement un style direct, efficace et humoristique avec des fables modernes aux issues souvent terrifiantes. Une étonnante alchimie qui prend le lecteur à la gorge dès la première page pour ne le relâcher qu'au bout du dixième récit. Rien de surprenant de la part d'un auteur qui est à la fois journaliste, sociologue et humoriste et passe tour à tour de la plume à la scène…
Ce duel où l'Homme affronte des parodies de communication fait coïncider au plus près le plaisir de la lecture et la réflexion sur les dérives de notre société de communication.
Chaud business
Grâce à un concours télévisé, Luc Pingot figure parmi les spectateurs invités à assister à une soirée caritative controversée. Décriée de toutes parts, cette manifestation a pour but de récolter des fonds en faveur des proches d'artistes disparus. Derrière cette visée en apparence honorable se dissimule une "première" écoeurante dans laquelle les disparus feront leur ultime prestation. Une prestation d'un goût douteux.
Mariage sous tension
Placé sous le signe de la mésentente depuis vingt ans, le couple que forment Odette et Marcel Brochet connaît un soudain revirement lorsque ce dernier apprend qu'il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Malgré une réconciliation de façade démarrent alors les sordides préparatifs d'un fait divers : une course contre la mort !
Le sprint final
Quand Aline Pernin, secrétaire personnelle du ministre de l'Intérieur, est convoquée, pour la première fois, après vingt-sept ans de service, au domicile de son patron, elle ne se doute pas que c'est pour y prendre place sur l'échiquier d'un étrange complot d'Etat. Un complot qui veut transformer à tout prix une mort inopinée en arme de séduction politique très discutable…
Le bureau des cœurs
Poussé par une solitude dévorante, le chroniqueur Gabriel Sedan s'est fixé un rendez-vous insolite avec l'amour. Rapidement pourtant, la rencontre bouleversante qu'il espérait se mue en jeu de dupes. La confrontation sans pitié avec une jeune inconnue lui renvoie l'image de ses désillusions récurrentes….
Le triangle des berlues
Quelques heures avant Noël, José Delmarche, François-Xavier Marchetti et Liliane Belleflamme aperçoivent des points lumineux qui se déplacent symétriquement dans le ciel. Partagés entre crainte, ennui et curiosité, ils hésitent à leur prêter attention. Une course-poursuite nocturne peut déboucher sur une rencontre peu enviable…
Eugénie
Mariée par obligation à un ivrogne violent, Emma constate sans broncher les absences de plus en plus fréquentes de son tortionnaire conjugal. Quelle mystérieuse destination aimante sa gueule de bois ? L'épouse servile se mue en détective pour pousser la porte d'une gigantesque machination d'Etat. Une machination qu'elle entreprend de transformer en outil de vengeance….
Fatale explosion
Traumatisé dans son enfance, par un bombardement, Gérard Toubeau en garde une séquelle irréversible : la haine des détonations. Un jour, l'intervention anodine d'un tandem de gamins le propulse dans les ultimes méandres de sa folie. Il atteint alors le point de non-retour : il blesse un gendarme. Aussitôt, les journalistes se pressent autour de sa petite maison. Les "directs" de télévision se succèdent à cadence régulière….
Recrutement démocratique
Journaliste sans emploi, Daniel Vilain est convoqué à l'examen de recrutement organisé par la Confédération des Loisirs Populaires. Il entre sans le savoir dans le tunnel d'une démarche d'embauche interminable dont il veut absolument comprendre les mécanismes. Et sortir la tête haute….
La petite reine
Jean-Claude Clarenveau remporte au sprint la onzième étape du plus grand tour cycliste. Pour ce sportif qui a centré toute sa vie sur sa carrière professionnelle, le jour de gloire est arrivé. Rayonnant, il reçoit son bouquet de vainqueur. C'est le début d'un cauchemar estival, balisé par un fantasme obsédant…
La mauvaise compagne
Au bout de 746 jours d'isolement total, Pierre Sénier met le point final à ce qu'il pressent être "le" chef d'œuvre littéraire de sa vie. L'heure de son retour dans un monde qui a tourné sans lui a sonné. Ce retour se passera-t-il bien ? Un mauvais présage inattendu introduit le doute dans l'esprit de l'écrivain. Un doute qui va se confirmer…
Luc Pingot plongea la main dans la poche de sa veste. Ses doigts pressèrent un bout de carton. Le précieux bout de carton. Les yeux réfugiés derrière ses lunettes épaisses comme des vitres de guichet, le jeune homme scrutait le bâtiment installé de l'autre côté de la chaussée.
L'immense salle de spectacle avait revêtu sa tenue des grands soirs. Mais une tenue qui flirtait avec le mauvais goût. Et serré, serré. Glaces autocollantes tapissées à l'emporte-pièce sur les murs, lustres d'apparat en verroterie vomissant une lumière aveuglante, tapis rouge déroulé au milieu d'une moquette élimée, tout y était !
Et à l'extérieur, ce n'était pas mieux. Une banderole accrochée sur la façade infligeait ses couleurs criardes aux yeux des passants. A grands renforts d'images suggestives, elle annonçait la manifestation hallucinante qui allait voir débarquer, ce soir, tout ce que le monde de la variété et des affaires compte comme personnalités éclairées. Eclairées et fortunées, surtout.
(pages 7-8)Emma avait le profil parfait d'une veuve. Son physique d'abord. Une silhouette interminable qui paraissait issue du montage d'une canne à pêche sur une paire de skis. Avec aussi un visage fermé. Comme le bar tabac du coin chaque dimanche ; sans rémission. Une face triste, sans vie, de laquelle pointait un nez crochu comme un robinet de lavabo.
La femme avait aussi le prénom de la veuve modèle. Emma ! Un prénom de vieille servante asexuée ou de voyante pourfendeuse d'hommes. Enfin, pour couronner le tout, il y avait ce noir. Ce noir qu'elle portait nuit et jour comme seconde peau. De quoi faire sombrer dans la neurasthénie le plus enjoué des comiques troupiers.
Emma avait le profil parfait de la veuve mais, hélas,… elle ne l'était pas.
(pages 91-92)
Amateur d'humour qui grince ? Jetez-vous sur Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ! C'est du Watrin pur jus. (…) On se régale parce que Watrin a une plume d'une réjouissante aigreur, trempée dans le vinaigre noir, et qui s'embarrasse peu de marcher dans le sens où les autres courent.
(Philippe Mac Kay – La Nouvelle Gazette du 10 décembre 2001)
A chaque fois, la chute de l'histoire est surprenante, toujours surréaliste et parfois loufoque. Il y a vraiment de quoi se poser des questions sur les dérives de notre société de communication.
(Julien Ruchelet – Le Journal du Centre du 31 octobre 2001)
Le lecteur averti cherche à trouver la faille, à anticiper sur l'épilogue de chaque historiette. En vain. Chaque conclusion surprend. Si vous n'aimez pas les longues histoires à tiroirs multiples, sautez sur cet almanach moderne en dix leçons.
(Park Mail du 11 janvier 2002)
Le style est direct, efficace, le ton est corrosif et l'ironie désabusée. (…) Un livre qui conjugue le plaisir de la lecture à la réflexion sur les dérives de notre société de communication.
(La Nouvelle Gazette du 24 octobre 2001)
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