Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Moi, mon métier, ce n’est pas la politique, puisque c’est de faire rire exprès. Et, jusqu’il y a peu, je croyais que faire rire était mon seul point commun avec les politiciens. En fait, jusqu’au moment où ils ont décidé de renforcer le contrôle des chômeurs à leur domicile… par surprise.
Pourquoi ? Parce que, moi aussi, les gens qui en foutent moins que moi, ça me dégoûte. C’est trop facile de profiter d’un licenciement soudain et abusif pour arrêter de travailler du jour au lendemain. Combien de chômeurs ne profitent pas qu’ils ont perdu leur travail pour avoir moins d’argent et ainsi ne plus payer leurs traites ? Combien de ces inciviques se domicilient dans une boîte aux lettres sans commodités, alors que la plupart d’entre eux se vautrent – c’est bien connu – dans le lit à baldaquin du luxueux château d’une cohabitante illégale ? Contrôlons-les, ça ira mieux. Mais ils ne sont pas les seuls…
Contrôlons aussi les malades ! C’est louche toutes ces maladies et épidémies. Je ne serais pas étonné qu’on découvre un jour que la majorité des gens morts du virus Ebola ont succombé un lundi, comme par hasard, le jour où on recommence à travailler. De là à aller jusqu’à imaginer un complot entre les malades et les chômeurs, il y a un pas en avant que je ne franchirai pas, puisque marcher, c’est comme rire ou faire la fête, ça me fatigue.
Et, du côté des accidentés, c’est la même chose. Osons mettre fin à ce scandale des gens qui arrivent inconscients dans les hôpitaux pour ne pas répondre aux questions du personnel hospitalier qui mérite bien ce dédain puisque, malgré son surmenage, il ne fait rien pour qu’on engage du renfort pour le soulager d’une partie de son travail et fait ainsi la nique aux chômeurs.
Sans oublier les morts. Il n’y a rien de plus agaçant pour l’organisation d’un pays que les morts inopinées. Contrôlons aussi les morts. Qu’ils préviennent avant de mourir et, surtout, qu’ils osent dire eux-mêmes qu’ils sont morts. Fini de laisser le sale boulot à un membre de la famille ! Que tout mort ait le courage de se présenter lui-même auprès de son administration communale, durant les heures de bureau. Ça évitera pas mal d’heures supplémentaires à charge de la collectivité. Une collectivité dont je me foutrais si on ne m’avait obligé à en faire partie à ma naissance.
Et les naissances justement, contrôlons-les aussi. Ne bénéficieront d’un accouchement que les nouveau-nés qui en feront intelligiblement la demande par voie écrite (ou, à la rigueur, par message vidéo enregistré via une échographie) auprès d’un tribunal dûment mandaté. À charge pour les mères des nouveau-nés ne répondant pas aux normes réglementaires de retenir leur venue au monde. Et, si elles n’obtempèrent pas, les nouveau-nés illégaux seront rapatriés par charter. Et ça, croyez-moi, c’est une mesure qui risque de faire mal !