Un bon coup de Gueule

Le coup de gueule du mois

Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

Les pionniers du Viagra

Le Viagra a quinze ans ! Je ne peux pas démarrer ce texte sans adresser, pour l’occasion, un clin d’œil complice de joyeux anniversaire à Marcel Claes et Henri Delattre, deux voisins qui sont de discrets clients de ce médicament dans ma pharmacie à Binche. Depuis peu, le Viagra générique a donc débarqué sur un marché florissant où il se vend officiellement six comprimés par seconde, mais je rassure d’emblée les âmes sensibles : pas tous à la même personne. Fini, par conséquent, désormais la ruine des 127 euros pour 12 comprimés (non remboursés), qui a donné naissance, dans ma région où la débrouille est de mise, à un dispositif clandestin de regroupement d’achats par rue, dans lequel chaque homme avalait à tour de rôle la pilule, avec mission pour lui d’honorer les obligations conjugales de tous les membres du réseau en ordre de cotisation.

 

De mon côté, je profiterai simplement de cet anniversaire pour rendre hommage aux principaux pionniers belges, héros et martyrs oubliés de l’histoire du Viagra.

 

Honneur d’abord à Ernest Degueldre qui a participé à TOUS les essais cliniques du Viagra et qui a, à chaque fois, tiré au sort un médicament placebo. Il avait autant de chance de ne jamais avaler un seul vrai comprimé que de gagner la supercagnotte de l’Euromillions et il y est parvenu : chapeau à lui !

 

Une pensée aussi pour la mémoire de Roger Vanderelst qui a fait franchir un pas de géant à la science en succombant étouffé, en avalant le tout premier comprimé-test de Viagra, un prototype de douze kilos dont les concepteurs ont découvert, grâce à son sacrifice, qu’il fallait revoir la taille.

 

Un amical bonjour, au passage, à Gaston Jadoul, détenteur d’une impressionnante collection de 15.000 boîtes de dragées Fuca entreposée dans son garage (record mondial), qui lui ont servi d’alibi permanent pour se fournir en Viagra dans sa pharmacie, sans attirer l’attention des autres clients.

 

Toute notre affection va également à Gilbert Hamaide dont le berger malinois a dévoré la boîte de Viagra oubliée sur la table du salon. Puisse-t-il se remettre un jour du remariage de son épouse avec son chien, et quitter le panier en osier d’où il les contemple fidèlement depuis douze ans ! Une petite lèlèche à lui !

 

Enfin, n’oublions pas Madame Yvette Lenoble qui, victime de son daltonisme, a confondu les pilules bleues de Viagra cachées par son mari dans la buanderie, avec celles de son engrais rose pour les plantes. Quand elle a dénoncé avoir été l’objet de tentatives de viol en série de la part de son yucca, elle a été internée. Rétablissons aujourd’hui la vérité : elle avait raison !

 


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