Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Être un héros politique de son vivant... comme c’est mon cas, c’est parfois compliqué. Je vous dois la vérité toute nue : les Femen qui ont importuné Monseigneur Léonard, peu après Pâques, c’est un peu à cause de moi. En fait, quand j’avais vu à la télévision, le mois dernier, que des jeunes femmes avaient manifesté torse nu devant une mosquée de Bruxelles, au risque d’attraper une trachéite, pour faire libérer une Tunisienne qui s’était fait photographier elle aussi torse nu, je m’étais dit : « Voilà un combat auquel je dois absolument apporter mon soutien ! ».
Je ne vous l’ai sans doute pas dit, mais, à Binche, je n’ai pas beaucoup de copines. Pas, en tout cas, de celles à qui je peux demander à l’improviste de venir se faire photographier avec moi torse nu en rue, surtout dans un froid de Pâques à faire dresser les tétons de Fabiola, c’est dire. Je suis donc allé sonner chez ma voisine Fernande pour l’associer à mon combat. Hélas ! Ce n’est pas que ça ne lui disait rien, mais c’était justement le jour de son nettoyage du haut (elle prend toujours son bain en deux fois), elle n’avait pas le temps. Je suis donc parti manifester seul.
Comme les mosquées de Bruxelles, c’était loin de chez moi pour y aller torse nu, j’ai décidé de manifester devant l’église de Binche et de réclamer aussi une libération. Dès que les gens ont vu apparaître, écrit sur mon torse, « Libérez Barabas », ils ont été fort impressionnés. C’était le seul type dont je me rappelais qu’il avait été prisonnier en période de Pâques et, apparemment, vu la clameur, on ne l’avait toujours pas libéré. Le seul problème, c’étaient les photographes : personne ne les avait prévenus. Seul à crier « Libérez Barabas » devant une église, sans photographe, c’est tout de suite moins médiatique. D’autant plus que, comme je n’avais pas l’habitude de m’écrire dessus, j’avais tracé mes lettres trop grandes et je n’avais su inscrire que « Libérez Bara » sur ma poitrine. À voir la tête des gens, j’ai bien senti qu’ils ne comprenaient pas totalement mon message. Alors, pour les aider, j’ai retiré mon pantalon et j’ai écrit « Bas » sur mes cuisses, en espérant que mon « A » n’était pas trop caché au milieu.
L’erreur que j’ai faite, si j’en ai fait une, c’est d’avoir écrit mon numéro de portable sur la pancarte que je brandissais à deux mains, pour rallier des jeunes femmes à ma cause, puis d’avoir glissé mon gsm dans mon slip pour qu’elles puissent me contacter immédiatement. Je n’avais pas pensé que je susciterais tout de suite autant de vocations. Mon gsm s’est mis à sonner sans arrêt. Le problème, c’est qu’avec le vibreur, mon slip a commencé à glisser lentement. Et c’était d’autant plus gênant que les coups de fil ne venaient pas de filles, mais de types, sans doute des complices de Barabas, qui étaient devant moi et me regardaient en riant. Finalement, quand j’ai senti que mon gsm qui poussait mon slip vers le bas l’emportait sur... euh... ce qui tenait mon slip vers le haut, j’ai dû lâcher ma pancarte et m’enfuir. J’espère qu’on pensera quand même à moi pour le prochain Prix Nobel de la Paix !