Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Ça y est, les Diables rouges sont au Brésil ! Enfin, plus que quatre matchs à gagner, quatre défaites de la Croatie, et quatorze mois, 11 jours vingt-deux heures et 9 minutes (au moment où j’écris ces lignes) à maintenir l’unité de la Belgique, et notre équipe nationale ira à Rio disputer la phase finale de la Coupe du Monde. C’est un fameux exploit dont l’importance est bien mesurée par nos responsables politiques ! Grâce à une information que j’ai reçue d’un ami muté de la prison de Jamioulx à la prison de Tilburg parce qu’il possède des amis politiques haut placés, je peux dévoiler qu’ils viennent déjà de négocier secrètement la composition de la délégation officielle qui se rendra au Brésil supporter l’équipe nationale. La voici...
- La délégation sera emmenée conjointement, dans deux avions séparés, par les ministres des sports des Communautés flamande et wallonne chargés de supporter séparément les joueurs de leur communauté. Le ministre des sports de la communauté germanophone viendra les rejoindre à pied pour le cas où un joueur du RFC Bütgenbach ou de l’USFC Elsenborn serait intégré à la dernière minute dans l’équipe. Il est parti ce matin. Pour éviter la montée de tensions communautaires, les joueurs bruxellois seront invités à se supporter eux-mêmes.
- Le ministre des Affaires étrangères les accompagnera par avion militaire séparé, parce que tout ce qui se passe à l’ÉTRANGER, ce sont SES affaires, et que, si lui ne bouge pas, les avions militaires ne volent jamais et leurs pilotes s’ennuient, pouvant même aller jusqu’à se disputer quand ils jouent à « pigeon vole » pour tuer le temps.
- La ministre de la Justice les rejoindra par avion séparé pour négocier l’éventuelle libération des joueurs arrêtés après avoir détruit une station-service en y fonçant en voiture en état d’ébriété.
- Le ministre de la... Défense les accompagnera par avion séparé pour encourager uniquement la... défense des Diables. Vu l’inexistence d’un ministre de l’Attaque au sein du gouvernement, la ministre de l’Égalité des Chances viendra, par avion séparé, vérifier si les attaquants ne font pas l’objet de discrimination. La ministre de l’Égalité des Chances en profitera pour emmener sur place tous les ministres dans l’impossibilité de s’y rendre parce qu’ils n’ont pas d’avion à eux.
Ces déplacements indispensables risquent peut-être de faire un vide ici au pays, mais que les citoyens se rassurent : tout a été prévu pour pallier l’absence de cette importante délégation. En cas de crise grave (comme une faillite simultanée de toutes les banques pas encore en faillite à ce moment-là) ou de décision économique majeure à prendre (comme le retrait de la circulation de tous les billets et le passage au paiement uniquement en pièces de 1 et 2 centimes pour s’aligner sur le pouvoir d’achat des citoyens), la lourde tâche de gérer le pays sera confiée à un futur ex-employé de guichet d’une des cent-cinquante agences BNP Paribas Fortis bientôt fermées. Faites-lui confiance, il sait ce que gérer veut dire !