Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

Les pâtes à la cassonade

Il faut désormais oser l’affirmer : si le cheval est la plus noble conquête de l’homme, la bolognaise est le pire ennemi de l’homme.  Comme dit le dicton populaire que je ne connaissais pas avant de l’écrire : « Nourriture en purée, quelque chose à cacher ! ».  Il existe pourtant une solution-miracle ultrasimple à la crise de la bolognaise : la savoureuse recette de ma voisine Fernande, héritage séculaire du terroir binchois… les pâtes à la cassonade.  Souvenons-nous en, en ces moments de crise sanitaire : la cassonade, c’est la bolognaise de l’avenir ! Voici la recette originale de ce plat traditionnel.

 

La veille, avant d’aller dormir, versez dans une casserole, l’eau qui reste dans le seau qui vous sert de chasse d’eau pendant la journée. Mettez-y les pâtes à tremper pendant la nuit ; ça les ramollit à l’avance et permet d’économiser ainsi un peu de gaz lors de la cuisson.  Par précaution, couvrez la casserole avec la lavette qui vous sert à essuyer la table, pour éviter que des mouches ne tombent dans l’eau durant la nuit.  Le principe est qu’il vaut mieux que les mouches ne tombent pas dedans parce que, une fois qu’elles sont dedans, on ne les retrouve pas toujours toutes.

 

Le lendemain, faites chauffer votre casserole à feu vif pour désinfecter l’eau en cuisant les pâtes.  Si la lavette est sale, laissez-la sur la casserole pendant la cuisson, elle sera rafraîchie avec la vapeur.  Vous l’avez compris, le maître-mot, c’est l’hygiène ! Vérifiez ensuite si les pâtes sont cuites en en écrasant une très fort entre votre pouce et votre index.  Si vos doigts restent collés entre eux, c’est cuit. Égouttez alors le contenu de votre casserole dans l’évier.  Attention, les gens font souvent l’erreur… N’oubliez pas de ramasser les pâtes tombées dans l’évier durant l’égouttage et de les remettre dans la casserole ; une fois mélangées avec les autres, on ne les reconnaîtra plus.  N’oubliez pas non plus de rincer les pâtes tombées dans l’évier sur lesquelles il y aurait un peu de marc de café restant du rinçage de votre cafetière.  Le marc de café, ça s’incruste vite entre les dents et ça fait sourire de candidat à « The Voice ».

 

Déposez ensuite un tas de pâtes dans une assiette et couvrez de deux centimètres de cassonade.  Mais, attention, pas n’importe quelle cassonade : c’est ça, le petit plus de la recette de Fernande.  Prenez de la cassonade Gamin ! Ce n’est pas le nom de la marque, mais c’est parce qu’il y a une tête de gamin, avec une grande tartine de cassonade dans ses mains, dessinée sur le paquet.  Si votre cassonade est restée un peu trop longtemps dans l’armoire, il se peut qu’elle se soit agglutinée en un seul bloc.  Dans ce cas, ne vous affolez pas ! Lancez deux ou trois fois le paquet contre le mur et récupérez les miettes qui se sont détachées.  Et si le bloc de cassonade est trop dur pour s’effriter, pas de panique non plus : mangez vos pâtes et léchez le bloc de cassonade entre chaque bouchée.  Bon appétit !