Un bon coup de Gueule

Le coup de gueule du mois

Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

Le métier d'empêché

Comme je me plais à le dire perpétuellement, depuis que je dépasse tout le monde d’une tête : l’exemple vient toujours d’en haut. Et nos hommes politiques compétents (ça m’a toujours fait un drôle d’effet d’associer ces deux mots, mais soit, on dit bien « arriéré judiciaire » alors que j’ai connu un juge qui n’était pas si débile que ça)… nos hommes politiques compétents en la matière, écrivais-je donc avant de m’égarer, m’ont involontairement suggéré, par l’exemple, la profession que j’ai toujours voulu exercer et à laquelle je n’avais jamais pensé : empêché.  Mais moi, ce ne sera pas bourgmestre empêché ou échevin empêché, il y a trop de risques de finir en taule ou pire, au gouvernement : ce sera empêché tout court !

Honnêtement, j’ai longtemps hésité avec cumulard, mais cumulard, c’est trop fatigant. À  moins de cumuler les empêchements, mais, dans ce cas, on s’y perd très vite, parce qu’on ne sait plus de quoi on est empêché. N’empêche ! Empêché, c’est un métier qui entre de plus en plus dans les mœurs. Beaucoup d’étudiants ne sont-ils pas déjà devenus des illettrés empêchés ? Beaucoup de travailleurs ne sont-ils pas des vacanciers empêchés ? Beaucoup de militaires ne sont-ils pas des buveurs empêchés ? Non, ça, c’est un mauvais exemple, parce que souvent, les militaires, ils ne peuvent pas s’empêcher. Les gynécologues ne sont-ils pas des obsédés empêchés ? Les pénitents, des croyants en péché ?

Devenir empêché, c’est à la portée de tout le monde. Et le métier d’empêché est très utile pour la société car il ouvre toujours un emploi à un alter ego : le faisant fonction. Essayez, vous verrez. Vous êtes, par exemple, facteur. Tous les matins, déposez votre sacoche devant la poste, avec un petit écriteau « Servez-vous vous-mêmes, je suis empêché… au bar du Café de la Poste. »

Vous êtes jeune, dynamique comme un édredon, et votre mère vous demande de tondre la pelouse. Répondez-lui simplement : « Désolé, je suis tondeur de pelouse empêché. J’ai été nommé branleur, mais je te désigne tondeuse faisant fonction ! »

Vous êtes un mari consciencieux, mais votre femme commence à friser la date de péremption : pas de problème ! Dites-lui simplement : « Chou, dorénavant, je serai baiseur empêché. Je te présente Olivier, baiseur faisant fonction, qui te besognera pendant mon empêchement. Si t’as besoin, je suis soit chez ta copine Nathalie, soit dans ta copine Nathalie. »

Voilà ! Pour ma part, j’ai un seul message à faire passer : si une fille naïve et facile est prête à faire la sainte-nitouche empêchée, je suis prêt à devenir sur-le-champ son étalon faisant fonction !


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