Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
C’est sans doute fait exprès mais, chaque année, durant la période des fêtes, je reçois dans mon courrier, une enveloppe me proposant d’acheter des cartes de vœux réalisées par (je cite) « des artistes peignant de la bouche et du pied ». Je ne sais pas qui sont ces gens (pour être honnête, je crois que je n’ai même jamais eu l’occasion de serrer la main à l’un d’entre eux), mais ça mérite le respect ! Quand je vois les dessins de ces cartes, à côté des horreurs badigeonnées sur des feuilles à dessin gondolées que mon fils m’a offertes, chaque année, aux fêtes des pères, alors que ce gamin était complet, je me dis : ça donne envie de passer tous nos gosses à la scie circulaire pour qu’ils dessinent correctement !
Et ces dessinateurs de la bouche et du pied ne sont pas les seuls méritants : il y a aussi des musiciens comme eux. Je ne l’ai jamais vu faire, mais j’ai un voisin qui m’a dit qu’il jouait de la batterie d’oreille. Imaginez comme il faut avoir le cou solide pour jouer avec son oreille quand c’est du rock. Et il n’est pas le seul. Ma voisine Fernande m’a dit que son neveu était devenu chef de la fanfare, à force de jouer des coudes.
Alors, pour encourager ces peintres de la bouche et du pied, je leur ai envoyé un courrier avant-hier. Et, par respect, je leur ai écrit, comme eux, avec le pied. Je vous recopie ce courrier :
Chik missiul,
Slist killimil fji mlipnikli lipi.
(oui, au début j’étais un peu malhabile pour taper, mais ça s’est vite amélioré ; je continue)
Jo m olovi lipo mollo gogol inipilo klipli.
(ça va beaucoup mieux , hein, mais, en fait, je me suis rendu compte que je suis droitier du pied et que je ne sais donc pas taper sur le « a » et le « e » qui sont trop à gauche sur mon clavier ; j’espère qu’ils ont été assez malin pour comprendre qu’il fallait lire les « i » et les « o » comme des « a » et des « e ». Et vous aussi ! Je poursuis)
ji ponso qui li hondicopis it lis involidis mokipin liiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii.
(c’est à ce moment-là que j’ai eu une crampe qui m’a coincé l’orteil sur le « i » ; quand j’ai réussi à rebouger, j’ai ajouté trois petits points pour finir la lettre, mais j’en ai tapé 82 à cause de la crampe, je ne vous les ai pas tous recopiés)
Voilà ! Maintenant, je me promène, depuis quatre jours, avec trois paires de chaussettes norvégiennes. Dès que je transpire assez des pieds, je colle le timbre sur l’enveloppe avec les orteils et je leur envoie ça.