Un bon coup de Gueule

Le coup de gueule du mois

Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

Mon dîner avec Lance Armstrong

Moi qui ai un sens tellement aigu de la tactique cycliste que j’ai décidé de ne jamais participer à une course tant qu’il n’y aura pas de porte-bagages aux vélos pour m’asseoir derrière un autre coureur, j’ai toujours eu une admiration sans bornes, deux cents bornes même, pour Lance Armstrong.  Et maintenant qu’on l’a destitué de ses sept victoires au Tour de France, je le dis : je ne comprends pas pourquoi tout le monde s’acharne sur ce garçon.  Franchement ! Je ne comptais pas en parler, mais je le révèle pour le défendre : il est passé dîner, un jour, à l’improviste chez moi à Binche, en revenant du Mont Ventoux où il avait fait un petit crochet pour ne pas se refroidir en attendant les autres à l’arrivée d’une étape du Tour d’Italie : c’est un mec tout à fait normal ! Et très simple ! En arrivant chez moi, il s’est fait flasher en vélo à l’entrée de Binche, alors qu’il faisait du 180 km/h au lieu de 50 : il s’est simplement excusé en disant qu’il n’avait pas vu qu’il était sorti de l’autoroute.  Et, pour montrer sa bonne volonté, il a mis son vélo sur son épaule et il a dit aux policiers : « Je vais continuer à pied ; comme ça, je suis sûr que je ne dépasserai pas le 90 ! ».  Et il a promis de ne pas doubler de voiture...

 

Au repas chez moi, même chose.  Très sympa ! Il avait amené l’apéritif : on s’est super bien amusé.  Faut dire que, je ne sais pas ce qu’il avait mis dans son apéro maison, mais il était bien corsé.  Après le premier verre, Lance a empoigné le divan et il me l’a lancé.  Blague d’Américain ! Heureusement, son apéritif m’avait mis aussi en superforme : j’ai rattrapé le divan au vol et je l’ai redéposé par terre.  Ma voisine Fernande et son chien qui étaient assis dessus n’y ont vu que du feu ! Bon, Lance a bien envoyé le barbecue deux rues plus loin que chez moi, en voulant souffler pour faire des braises et on a retrouvé les brochettes du côté de La Louvière, mais ce n’est pas bien grave.  Il a couru les récupérer et, dix secondes après, il était revenu.

 

En fait, le seul problème avec Lance, c’est que, chaque fois qu’il a ingurgité quelque chose, il faut qu’il fasse pipi dans un petit pot.  Il m’a dit que c’est une sorte de réflexe professionnel et que, depuis qu’il ne court plus, c’est assez embêtant, parce que plus personne ne les lui demande ; alors, il les stocke chez lui et ça prend beaucoup de place dans son living.  Ce jour-là, comme il n’avait rien prévu dans ses bagages, c’est moi qui ai dû lui fournir les pots.  En un seul repas, il a utilisé tous mes Tupperware.  Et l’ennui, c’est que, plus le temps passait, plus il buvait et plus les Tupperware s’accumulaient dans mon hall d’entrée !

 

En plus, à un moment, pour rigoler, j’ai dit à Fernande de demander à Lance de lui passer les plats à table.  Blague de Wallon ! Je savais qu’elle ne parle pas bien anglais.  Quand elle a voulu le plat de salade, elle lui a crié « Lance ! ».  Il n’a pas compris : il lui a lancé. Aussitôt, elle a aussi eu besoin du couteau à couper le pain.  Elle a de nouveau crié « Lance ! » et il l’a de nouveau lancé.  Heureusement, pas de problème, elle ne l’a pas reçu dans l’oeil, ses lunettes l’ont bien protégée ! En fait, l’erreur, c’est Fernande qui l’a commise toute seule.  Sans le faire exprès.  Quand Lance est parti faire pipi dans son petit pot après le pousse-café, elle s’est impatientée et elle a crié « Lance ! », pile-poil au moment où il sortait des toilettes avec son petit pot.  À partir de ce moment-là, elle l’a toujours appelé Monsieur Armstrong !

 


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