Un bon coup de Gueule

Le coup de gueule du mois

Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

Ma visite à Johnny

L’avantage d’avoir peu d’amis, c’est que, quand il leur arrive un malheur, on n’est pas gêné par les autres pour s’en occuper.  Grâce à ça, je peux le révéler au monde maintenant : en revenant d’avoir fait mes courses d’avant réveillons, j’ai fait un petit crochet pour rendre visite à l’hôpital, à un de mes meilleurs amis, Johnny.  Je vous le confesse : à mon arrivée à Los Angeles, j’étais assez stressé.  On m’avait parlé de tous ces journalistes agglutinés à l’aéroport pour guetter les célébrités venues au chevet de Johnny ; c’était vrai.  Heureusement, quand je suis descendu de l’avion, pas un ne m’a reconnu.  Je ne regrette pas mon réflexe de dernière minute d’avoir mis des lunettes noires, c’est sûrement ça qui m’a sauvé.

Quand je suis entré dans la chambre d’hôpital de Johnny, il dormait très très fort.  Comme j’étais pressé parce que j’avais des surgelés dans mes courses, je l’ai secoué - pendant bien quarante, quarante-cinq minutes, je ne vous dis pas mon bras - et il a ouvert les yeux.  La presse ne l’a pas divulgué parce qu’on a gardé l’information secrète, mais, en fait, c’est moi qui l’ai sorti de son coma artificiel.  Je ne savais pas, on ne m’avait rien dit.  Je lui ai dit :

- Alors, Jojo, comment ça va ? On a fait un gros niquet ?

Il m’a répondu : - Sacré Deudeu… (oui, on s’est appelés « Jojo » et « Dodo » dès le début de notre longue amitié, mais lui, il prononce « Deudeu », comme les résultats actuels du Standard quand tout va bien) Sacré Deudeu, tu es venu ?

- Ben oui, puisque je suis là.  Tiens un cadeau pour toi !

- Merci, Deudeu ! Ah, une bande dessinée.  Enfin quelque chose à lire ! Les autres, ils ne m’ont offert que des romans.

- Tu as vu le jeu de mots dans le nom du héros ?

- Ric Heuchet ! Je ne comprends pas.  (Je n’avais pas pensé qu’il prononcerait « Ric Heuchet », alors, ça ne voulait plus rien dire, hein.)

- Et le nom de l’éditeur, tu as vu le jeu de mots aussi ? Avec ton dos !

- Ah oui, les Éditions du… Lombaire ! Sacré Deudeu ! Mais pourquoi tu as emballé cette bd dans un emballage-cadeau avec des dessins d’enfant dessus ?

- Ben, comme les nouvelles à ton sujet étaient assez alarmantes en Europe, je me suis dit que je l’offrirais à un de mes neveux, si tu étais mort avant que je n’arrive.  Et, à ce propos, comment ça va ?

- Olala, je n’ai jamais autant souffert, je te promets.

- Tu me promets le sel au baiser de ma bouche ? Et le miel à ta main qui me touche ?

- Aïe, ne me fais pas rire ! Ça me fait mal au deu !

- Allez, je te laisse.  Je suis, en tout cas, content d’avoir vu tes derniers tubes, ha, ha, ha !

- Allez, merci de ta visite et n’oublie pas tes surgelés… Sinon, ils vont fondre.

 


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