Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
C’est sans doute la plus grande catastrophe mondiale survenue depuis les attentats du World Trade Center en 2001 : le Grand Duc Henri a refusé de signer la loi légalisant l’euthanasie au Luxembourg. Pas parce qu’il a mal à la main ou que son stylo est vide, parce qu’il a une conscience ; une petite conscience de petit luxembourgeois mais une conscience qui est apparemment trop grande quand même ! Et je le comprends.
Certains diront qu’il a sans doute été impressionné par les images télévisées d’euthanasie dans l’Est du Congo. Moi, je dis que petit ou grand, un Duc n’est pas idiot et qu’il a bien vu que, la machette, c’est la manière artisanale d’euthanasier. Non, le Grand Duc a compris le drame que l’euthanasie représente pour son pays. N’ayons pas peur des mots : un Luxembourgeois qu’on euthanasie, c’est un génocide. Ça fait un village qui disparaît, une pompe à essence (avec comptoir tabac-alcool) qui ferme et une banque qui part à la faillite. Alors que, soyons réalistes, trois cents Indiens qu’on mitraille ou qu’on explose à Bombay, ça fait juste un espace en rue qui se dégage pour les vaches sacrées traverser.
Comme le tigre du Bengale ou le gecko à queue feuillue, l’espèce luxembourgeoise est menacée. N’oublions pas qu’un Luxembourgeois, même s’il ne représente qu’un 14ème de Liechtensteinois ou qu’un 484.000ème de Pape, vaut aussi 2810 Chinois, 26 Zimbabwéens (dont ils se fout éperdument), 1,2 éléphant d’Afrique (pourtant souvent sans défense) et 13 Flamands dont la langue est moins moche et plus parlée que la sienne (c’est dire !), ce qui est un comble de frustration quand on sait qu’il n’a même pas une seule commune à facilité luxembourgeoise pour rigoler un coup. Le Luxembourg, c’est aussi un coureur cycliste qui gagne une étape du Tour de France tous les 67 ans. Si, par maladresse, c’est celui-là qu’on euthanasie, ça reporte la moyenne à 134 ans, soit six générations de Luxembourgeois sans victoire.
A priori, nous ne pouvons donc pas laisser tomber le Luxembourg qui est quand même - souvenons-nous - à la Belgique, ce que l’eau de Javel est au linge : un moyen efficace et facile pour blanchir ! On pourrait bien sûr planquer un couple de Luxembourgeois au zoo d’Anvers ou au monde sauvage d’Aywaille pour tenter de sauver leur race en voie d’extinction, mais le Luxembourgeois se reproduit-il en captivité ? Nul ne le sait, même pas moi qui ai quand même séquestré jusqu’au consentement pas mal de filles bêtement hermétiques à mes charmes. Alors… euh… finalement, laissons tomber, on ne peut rien pour eux. Et ce chipoteur de Grand Duc, s’il ne veut pas signer, n’hésitons pas : qu’on le pique, hein !