Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

L'indépendance du Kosovo

Il n’entre pas dans mes habitudes de faire de la politique - il y a assez de gens aussi malhonnêtes que moi pour s’en occuper - mais, comme disait un ami jockey : trop, c’est trop ! Je l’affirme tout de suite : personnellement, je ne reconnaîtrai jamais officiellement un État indépendant du Kosovo ! Désolé ! Il faudra bien qu’un jour, ces gens comprennent que nos pauvres enfants ont autre chose à foutre que de retenir, chaque année, les noms de nouveaux pays et de leur capitale.  Comment voulez-vous qu’on ne passe pas pour des cons devant l’Europe entière lorsqu’on fera une enquête internationale sur les connaissances de nos enfants en géographie, si ça change tous les ans ?

De notre temps, c’était facile : on n’avait qu’une vingtaine de noms de capitales à retenir.  Il suffisait de savoir Italie-Rome, Luxembourg-Luxembourg ou Danemark-Reykjavik… ou Oslo ou… Stockholm, je ne sais plus, peu importe, ceux d’entre vous qui ont de la famille en Afrique rectifieront d’eux-mêmes.  Et je ne vous parle pas de nos parents qui ont fait longtemps leurs fiers pendant qu’on se ridiculisait devant notre professeur de géographie et qui, eux, enfants, pouvaient se contenter de : à gauche, la mer ; au-dessus et à droite, des étrangers ; en dessous, des bougnoules et, autour de la maison, des Allemands !

Alors, je voudrais lancer un ultimatum à tous les Kosovars qui sont dans cette salle, ce soir : si vous continuez à proclamer l’auto-indépendance du moindre lopin de terrain vague miné, sur lequel vous avez retapé un cabanon de jardin et viré trois casques bleus, nous contre-attaquerons ! Est-ce que nous, les Wallons, on pourrit la vie de vos enfants kosovars à répéter par cœur, en boucle, « ène bèle pètite gayole, ène bèle pètite gayole… », pendant des soirées complètes, devant un cahier chiffonné ? Vous, ça fait vingt ans que vous torturez nos jeunes, en créant des États au nom imprononçable sans l’aide d’un logopède-orthodontiste (non remboursé par la mutuelle), avec des capitales dont le nom s’écrit comme il ne se prononce pas.

Alors, chers Kosovars, Bosniaques-Herzégovins et autres Monténègres, si vous ne déproclamez pas l’indépendance de vos pays schtroumpfs, nous créerons, nous aussi, nos micro-républiques. On créera la République du Tournaisis picard, avec comme capitale non pas Tournai, ça sera trop facile pour vos gosses, mais Ramegnies-Chin.  Ça, c’est pour Macédoine-Skopje et Monténégro-Podgorica ! On autoproclamera aussi l’indépendance de la Gaume subcondruzienne (capitale : Villers-sur-Semois), de la Thudinie (capitale : Bienne-lez-Happart, sans « s » à « Happart », parce que c’est assez avec un), de la principauté du Standard de Liège (capitale : Champion… On peut rêver !) et de l’enclave hispano-wallonne de Benidorm (capitale : Restaurante Tapas José).

Et, si vous n’obtempérez pas, moi, je passerai tout seul à la solution finale : j’autoproclamerai l’indépendance de mon État du Watrinland, capitale Bande (logique !), hymne national « J’ai vu le pèpete de ma tante Zoé » !