Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Certains d’entre vous l’ont peut-être appris fortuitement : le Standard est champion de Belgique de football. Comme disait Robinson Crusoé au chauffeur, en voyant enfin arriver un bus des TEC sur son île, un vendredi (forcément) : « On n’y croyait plus ! ». En découvrant tous ces supporters fêter leurs noces d’argent (vingt-cinq ans de mariage) avec la défaite, je me suis moi-même laissé contaminer par leur joie. Pendant la nuit qui a suivi, chaque fois que j’ai culbuté une fille, lorsque je l’emmenais vers le ciel où moi seul pouvait l’amener, j’ai reproduit un geste de buteur du Standard. Karine avec les bras levés en « v » et des bises à la foule des deux mains, Nathalie avec un signe de croix puis un bise sur mon annulaire, Sylvie avec une bise sur l’écusson de mon maillot… Je vous passe la suite, je vais vous lasser et rendre jaloux ceux que le mariage oblige à vider le frigo pour ne pas devoir rejoindre leur femme au lit.
Ça n’a d’ailleurs pas duré ! Directement, j’ai réalisé qu’avec ce titre du Standard, j’ai perdu d’un seul coup une partie importante de mon boulot d’humoriste. Plus personne ne rira, par exemple, quand je dirai à une fille, de mon air faussement sympathique et souriant que vous connaissez : « Comment veux-tu que je te culbute si t’as connu le Standard champion, tu as l’âge d’être ma mère ? ». Mais c’est par rapport à mon fils que la victoire du Standard me gêne le plus. Le lendemain du titre, il m’a rappelé que, depuis qu’il est né, je lui ai dit successivement : « Quand le Standard sera champion :
- je jouerai avec toi aux « Playmobil » ;
- tu pourras lancer de la purée au plafond ;
- on ira à EuroDisney demander au Capitaine Crochet comment il fait pour se gratter le cul ;
- on jouera à Star Wars avec le chat dans le micro-ondes ;
- je tirerai sur l’élastique des culottes de la voisine qui sèchent dans son jardin pour que tu puisses faire du tir aux clays avec ta carabine à plombs ;
et
- tu pourras mettre de la « Superglu » sur le bord de la tasse de café de mamy, juste avant le bal masqué de l’école, pour la déguiser en chef indien Raonni. »
Hélas ! Chose promise, chose due. Le Capitaine Crochet, le chat, la voisine et ma mère, ce n’est pas un problème, mais les Playmobil, je n’ai vraiment pas envie !