Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Comme dit le dicton populaire, mais seulement dans ma tête, parce que c’est moi qui l’ai inventé tout seul moi-même : en avril, fais gaffe à ce que tu enfiles, en mai, enfile ce qu’il te plaît ! Et c’est vrai, avec la montée de la sève, une nouvelle vague d’émotions pointe : les filles désirables se font plus désirables et les filles indésirables se font… plus désirables aussi, mais je bois parfois un peu trop quand on insiste. Bref, les nuits raccourcissent au moment où on a le plus besoin que, comme les femmes, elles s’allongent. Et pendant ce temps, les dernières gelées sévissent, les giboulées s’abattent et mon intestin grêle.
Chaque année, à la même époque, mon émoustillement libidineux décadent fixe donc son obsessionnel appel au rut sur la moindre caissière de superette à l’acné maquillée grossièrement comme un 4X4 volé pour la filière ukrainienne. Enfin ! Ça, c’était avant. Parce qu’aujourd’hui, il est un truc qui me dégoûte plus qu’un clair de lune sicilien sur la vraie fausse moumoute de Silvio Berlusconi dans sa maison de retraite : les ongles carrés des caissières.
Quand je vois ces mains, boudinées par un quart de siècle de pause de table tuée aux cookies limonade, inciser la peau tendue de mes tomates qui, comme elle, mûrissent en grappes, j’ai presque envie d’appliquer la tolérance cent pour cent pour les femmes battues par moi-même. Pourquoi, alors qu’elles sont courtes de partout, de la cuisse jusqu’aux idées, avoir des ongles si longs ? Des ongles tellement imposants et opaques qu’ils cachent la moitié des codes barres. Des ongles qui, quand son inesthétique propriétaire doit taper un rare prix sur sa machine à endettement, vous font payer un sac de sacs poubelles à deux sacs au prix d’un aspirateur sans sac à cent sacs.
Et le sommet, c’est quand, dans un souci décoratif de Barbie de corons, elles garnissent, sans permis d’urbanisme, les extrémités de leurs ongles d’un autocollant dont le motif rappelle vaguement la rivière de perle portée par Lady Di lors de sa désincarcération sous le pont de l’Alma. Honnêtement, dans ces moments de désespérance sur la féminité de nos charmantes compagnes à deux jambes qui deviennent parfois nos compagnes à quatre pattes, mais c’est une autre histoire, j’en viens presque à aspirer à une panne d’injection de ma Citroën pour revoir enfin les ongles goinfrés de cambouis et de pellicules en sauce, méticuleusement rongés, de mon garagiste.