Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Chaque fois que j’ai affaire à eux, je me le dis avec attendrissement. Les employés de banque, c’est presque comme le chien Snoopy de ma voisine Fernande. Lui, il est simplet, mais qu’est-ce qu’il est amitieux ! Eux, ils sont amitieux, mais qu’est-ce qu’ils nous prennent pour des simplets !
La semaine dernière, j’ai reçu un avis de ma banque qui me disait grosso modo : « À partir du 28 février, vous allez recevoir vos extraits de compte en ligne. Si vous ne souhaitez pas ça, contactez votre personne de contact chez nous avant le 16 février. » Bêtement, je le reconnais, je me suis dit : « On est avant le 16 février, je vais contacter ma personne de contact à contacter. »
Pour ceux qui n’ont pas la chance de bien connaître les banques belges parce qu’ils sont trop riches pour laisser leur argent en Belgique, dans nos banques, la personne de contact à contacter, c’est une personne dont le métier est d’être prête à être contactée, mais uniquement quand vous ne devez pas la contacter. Quand vous la contactez, son boulot, c’est d’être incontactable. Je suis donc tombé sur la collègue de ma personne de contact à contacter, dont le travail est sans doute d’être la personne de contact à contacter d’autres personnes, quand celles-ci ne cherchent pas à la contacter. Très propre sur elle dans mon oreille, la dame me dit : « Je ne peux rien faire pour vous, puisque le cochage de votre compte que vous voulez garder coché n’a pas encore été décoché puisqu’on n’est pas encore le 28 février. »
Raisonneur, je demande à cette dame bien de sa personne par sa bouche : « Pourquoi me demande-t-on de vous avertir avant le 16 pour que vous laissiez le cochage coché, s’il faut attendre qu’il se décoche le 28 pour le recocher ? » La conversation a duré un quart d’heure parce que, comme la dame a coché dans sa tête que je suis plus simplet que Snoopy quand il essaie d’attraper sa baballe en dessous du buffet de Fernande, elle m’a répété quatre fois la même chose en boucle, comme quand Madame Bernadette qui pue qui pète qui prend son cul pour une trompette nous apprenait les paroles de « Un kilomètre à pied… » à l’école maternelle. Et cette collègue de ma personne de contact à contacter m’a finalement ajouté : « Je vais demander à ma collègue de surveiller que le cochage de votre compte reste coché. »
Aujourd’hui, je peux donc l’annoncer fièrement à la face de la planète financière : j’ai quelque part sur cette terre, à Bruxelles, à Binche ou, si ça se trouve, à Ciney, une personne de contact à contacter qui regarde, vingt-quatre heures par jour, le cochage de mon compte en banque pour qu’il ne se décoche pas. Sans pause, sans manger ni boire, sans lever un œil, quelquefois que mon cochage en profiterait pour se décocher. Sans faire pipi ni caca non plus, ou alors, dans sa chaise de bureau percée tellement mon cochage est important pour elle. Et je le dis tout net : si, dans ma banque, il y a un client qui se fait décocher alors qu’il voulait rester coché, c’est vraiment… qu’il a raté le coche !