Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
S’il y a bien quelque chose qui ne tourne pas rond aujourd’hui, c’est la justice française. La justice belge, ça va, elle est parfaite. Elle n’avance pas, mais elle n’a pas de moyens ; donc, elle est excusée. Je n’ai donc pas peur de me muer en Éric Dupont-Moretti de Binche, en Gilbert Collard de carnaval, en Marc Uyttendaele de la danse de gille : l’acharnement sur Jawad, le logeur des auteurs des attentats de Paris, est un scandale. Les droits de l’Homme sont bafoués, autant que les discours de fin de banquets de l’ordre des avocats sont bafouillés.
Je le reconnais, comme Jawad, moi aussi, j’ai innocemment logé des crapules. Durant mes études, j’ai accepté d’héberger de dangereux récidivistes des beuveries estudiantines qui ont inondé la moquette de ma chambre d’étudiant d’immondes éclaboussures de bière en décapsulant des bouteilles sur le coin d’un bac. Est-ce que Abdelhamid Abaoud et ses amis ont, eux, provoqué de tels dégâts locatifs dans la piaule de Jawad ? Non ! Ce sont les policiers qui ont sali sa moquette avec leurs jets de pétard d’un goût douteux.
Aujourd’hui, l’erreur judiciaire qui frappe ce bienfaiteur de Jawad a eu une conséquence incalculable. Cet homme, qui n’est au final qu’un grand enfant espiègle, n’a pas pu aller chercher son pot de Nutella à -70%, alors qu’avec son expérience dans le commerce de proximité, il avait toutes ses chances d’en récupérer au moins vingt et de les revendre à +70% à des armées de clients qu’il aurait grugés sans le faire exprès.
On est bien au-dessus de l’injustice dont se plaint le journaliste de la RTBF, Eddy Caekelberghs, qui a enfreint toutes les règles déontologiques qui veulent qu’un travailleur des services publics se taise, ne pense pas et baisse la tête et le ton. Tout ça pourquoi ? Pour dénoncer la politique migratoire du gouvernement, pourtant éminemment tolérante à l’égard des firmes françaises qui licencient 1300 travailleurs inutiles dans notre pays. Fâcher à la fois Charles Michel et surtout Olivier Chastel, alors qu’il sait que les blaireaux sont une espèce protégée, est inqualifiable.
Et surtout, il n’y a pas que Jawad qui a été pénalisé par l’acharnement de la justice française ! Est-ce que ces juges ont pensé à la détresse des milliers de spectateurs et téléspectateurs de la soirée des Césars qui rêvaient secrètement de se faire photographier avec Jawad pour la sortie de son biopic et qui sont contraints de se photographier entre eux, ou pire, avec un meilleur second rôle masculin inconnu, un sombre scénariste ou un sinistre décorateur sonore ? Je suis Jawad ! Je suis Nutella !