Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Au risque de ruiner ma réputation qui mériterait un Prix Nobel de la Paix catégorie « espoir masculin », à l’heure où l’Espagne veut limiter le droit à l’avortement des femmes, je voudrais lever le tabou sur un sujet brûlant qui y est intimement lié : l’avortement masculin.
À tous les hommes qui, comme moi, regrettent chaque jour cet incompréhensible moment d’égarement érotique sur une plage de galets en Espagne ou sur le carrelage d’un gîte ardennais à Noël qui les a obligé, neuf mois plus tard, à envoyer des faire-part à motifs de chatons pompés sur Internet et vite photocopiés sur un papier gaufré couleur chemisette Damart lavée à 90 degrés, je propose la légalisation de l’avortement MASCULIN jusqu’à DIX-HUIT ANS DE GESTATION. Celle-ci est valable dans les cas suivants :
1- lorsque, après être passé à l’école, de la section latin-math à math-langues, puis littéraire-langues, avant de bifurquer vers l’option travaux de bureau-jeux vidéos ou électricité-tatouage, puis de s’installer à titre définitif en section tourisme-tourisme, votre fils vous annonce qu’il a lu sur Internet que, quand un élève a un parcours scolaire comme le sien, c’est parce qu’il est un enfant à haut potentiel non détecté à cause du manque d’attention de ses parents ;
2- lorsque, après vous avoir promis qu’il vous rembourserait, avec la paie de son premier job de vacances, l’argent que vous lui avez avancé pour payer la mobylette de son ami qu’il a crashée en état d’ivresse, votre fils revient à la maison avec cette paie en cash pour s’acheter un quatrième nouveau gsm, que vous lui rappelez sa promesse et qu’il vous répond : « Mais tu ne vis que pour l’argent, toi ! » ;
3- lorsque, après avoir frôlé l’assassinat devant le désordre de la chambre de votre fils, vous découvrez que, si celle-ci est désormais toujours impeccablement rangée, c’est parce qu’elle l’est par sa sœur qu’il rackette en la menaçant de vous révéler qu’elle sort avec son professeur de zumba sans papiers de quarante-cinq ans, marié et père de six enfants, dont elle vient de tatouer le prénom sur son sein ;
4- enfin, lorsque, après interrogatoire, votre fille avoue qu’elle a offert la planche originale de Tintin que vous gardiez dans un endroit secret de votre bureau, au plus jeune fils de son nouveau copain pour que celui-ci leur foute la paix en la coloriant avec des marqueurs, pendant qu’ils se pelotent dans le divan devant « Top Chef ».
Voilà, la liste n’est pas exhaustive ! Et je le dis à tous mes frères de détresse... Pratiquons l’avortement masculin jusqu’à l’adolescence ; c’est la pilule du lendemain, mais qui dure longtemps !