Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Comme s’est exclamé Philippe Busquin en découvrant que sa monture de lunettes est redevenue tendance aujourd'hui : « La mode est un éternel recommencement. ». Quarante ans après les moines tibétains, les jeunes Tunisiens, Égyptiens ou Libyens viennent, eux aussi, de relancer, en cette douce période de printemps, un petit jeu attendrissant comme le scoubidou de nos cours de récréation, une coutume cocasse qui fait chaud au coeur, mais pas que là : l’immolation !
Le cas survenu récemment chez France Télécom l’a encore prouvé : ça, au moins, c’est une manière de joindre l’utile à l’agréable, en exprimant son opinion de manière chaleureuse et divertissante ! Remplaçons donc nos grèves des trains tellement nombreuses qu’elles laissent froid et les explosions de kamikazes qui font un peu dispersé, par l’immolation qui a, en plus, le mérite de faire joli dans les pays pauvres où ils n’ont pas l’argent pour se payer un feu d’artifice le jour de la fête nationale. Mais, avant de s’immoler, il reste à se poser quelques questions pratiques.
D’abord, y a-t-il des gens plus inflammables que d’autres ? Par essence même, si j’ose écrire, oui : le colérique est plus inflammable que les autres. Mais comment reconnaître un colérique ? C’est très simple ! Avisez un passant ou une passante dans la rue et pincez-lui le bout des seins en tournant. Si la personne sursaute et s’exclame « Non, mais ça va pas, connard ! », c’est qu’elle est colérique. Elle constituera un excellent combustible. De même, si elle tressaille et s’écrie « Oh oui, vas-y, grand fou ! », c’est qu’on ne l’a plus touchée depuis l’incendie de l’Innovation et qu’elle est donc chaud boulette, c’est un atout pour la combustion.
Deuxième question : n’est-ce pas du gaspillage de s’immoler dans un pays chaud ? Si, bien sûr, mais il faut reconnaître qu’il est difficile de se suicider en se réfrigérant et surtout, de susciter le frisson des foules en s’enfermant dans un congélateur bahut sur la place du Jeu de Balle à Bruxelles pour mourir en héros, surtout si on n’a pas de rallonge assez longue pour mettre la prise.
Enfin, dernière question : que faire si on n’aime pas s’immoler parce qu’on trouve que ça pique ? C’est très simple : immolez vos enfants. Je n’irai pas par quatre chemins (de toute façon, je n'ai que deux jambes) : l’enfant est l’avenir du combustible. Avant, avec le charbon, on avait l’anthracite (qui chauffait moins bien) et le boulet (qui chauffait mieux). Dans les enfants, c’est bien connu de tous les parents : il n’y a que des boulets ! CQFD ! De plus, les parents qui oublient leurs enfants dans leur voiture, chaque été, en sont la preuve vivante : cuire son enfant à la vapeur, bien que plus sain, est désapprouvé par la société. Et si vous avez des réticences, rappelez-vous le célèbre message adressé par le Pasteur Pandy à Geneviève Lhermitte : rien ne sert de les occire, il faut les cuire à point !