Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

L'homme le plus intelligent du monde

Je ne suis pas du genre à attiser les querelles communautaires (de toute façon, pour moi, à l’extérieur de Binche, c’est partout l’étranger), mais une information insensée est tombée grâce à un jeu de la chaîne de télévision flamande VRT : « De allerslimste mens ter wereld », l’homme-le-plus-intelligent-de-tous-les-hommes-les-plus-intelligents-du-monde, s’appelle Bert Kruismans et est un humoriste flamand.  Que ce soit un homme, ça me surprend à moitié... puisqu’il y avait environ une chance sur deux, même si on sait que la seule Berthe célèbre est plus connue pour ses longs pieds que pour son gros cerveau.  Je ne m’étendrai pas sur cette question ni sur cette Berthe d’ailleurs, puisqu’elle est morte, mais on n’a jamais dit Einstein aux grandes mains ou au petit zizi ! En fait, que ce soit un Flamand le plus intelligent du monde, c’est déjà une énorme surprise pour tout Wallon qui se respecte (ou même qui ne se respecte pas), mais, pour moi, que ce soit le seul Flamand que je connais et à qui je parle, mais en français, faut pas déconner, c’est carrément ahurissant.

 

Je ne m’appesantirai pas sur le fait que c’est facile d’être le plus malin du monde quand on ne m’invite pas dans le jeu, mais il faut admettre que ce Bert Kruismans a vraiment réponse à tout.  Et je l’ai rencontré pas plus tard qu’hier pour le vérifier.  Dès que je l’ai vu arriver, je l’ai testé, en le questionnant, à l’improviste, tout de go : « Comment ça va ? » et il m’a répondu, sans l’ombre d’une hésitation « Bien ! ».  Stupéfiant ! C’était comme s’il avait déjà la réponse avant que je ne pose la question.  Et ça démontrait une lucidité fulgurante sur sa condition de Flamand.  Jamais un Wallon ne m’aurait répondu « Bien ! » à la question « Comment ça va ? ».  J’ai poussé plus avant mes investigations, en le prenant à revers avec une question plus déroutante encore.  Je lui ai dit : « Comment ça a été, la route ? ».  Il m’a rétorqué du tac au tac : « Bien ! ».  Époustouflant ! Je me suis dit : « Ce type a vraiment réponse à tout ! ». 

 

Mais, comme disait le Roi Albert 1^er, juste avant de s’écraser au pied du rocher de Marche-les-Dames : « Je ne suis pas un homme à lâcher prise facilement. ». Je lui ai donc asséné la question fatidique qui fait que tout Wallon est un vrai Wallon.  Je lui ai demandé : « Qu’est-ce que tu bois ? ».  Et, pour la première fois de sa vie, ce type a été déstabilisé par une question.  Mais il a aussitôt retrouvé ses réflexes innés.  Il m’a répondu : « Allez, si tu me l’offres, je ne vais pas refuser ! ».  Là, définitivement, je me suis incliné.   Ce type est le plus intelligent du monde, mais il est aussi le plus flamand du monde !