Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Les révolutions et les catastrophes, pour les consommateurs avertis qui, comme moi, ont le sens inné des bonnes affaires, c’est l’occasion de s’offrir des vacances dépaysantes pas chères. Pour le congé du carnaval, comme je ne tenais pas à être secoué dans tous les sens et à entendre des gens geindre sous des décombres, peut-être même la nuit, j’ai laissé tomber ma première idée, le Japon, et je me suis dit : « Offrons-nous plutôt un petit trip shopping-farniente tranquille en Libye pour décompresser ! ».
Il faut être honnête, ça m’a coûté trois fois rien, mais j’ai aussi trouvé trois fois rien sur place. Là-bas, au niveau « commerces », c’est le désert. Franchement, la Libye, je vous déconseille. Le voyage, d’abord. Sans vouloir chicaner, c’est une destination très mal desservie. Énormément de places libres pour l’aller et overbooking total pour le retour ! Ensuite, sur place, l’accueil, c’est zéro. En débarquant, j’avais une petite fringale : pas une seule friterie à l’horizon ! Ça commençait bien ! Je me suis dit : « Pas grave, je vais me renseigner au commissariat. ». Et là, re-mauvaise surprise. D’abord, les commissariats sont très mal tenus. Des traces de flammes partout à l’intérieur du bâtiment… À croire qu’ils font leurs barbecues de fête du personnel dans le réfectoire.
Et le personnel policier, ce n’était pas mieux : ça court dans tous les sens, c’est très affairé, exactement l’inverse des policiers de Binche qui sont toujours assis, prêts à vous écouter, pendant toute la journée ! Pour vous dire… Je demande - poliment - à un policier occupé à faire un garrot au cou d’un de ses collègues qui saignait à la tête, où il y a une friterie ouverte… Il se met à m’injurier, en mâchonnant entre ses dents un charabia incompréhensible dans lequel je ne comprends qu’un seul mot : « Tripoli, Tripoli ! ». Ça a été vite, je l’ai tout de suite remis à sa place. Je lui ai dit : « Si tu étais très poli comme tu le dis, tu me laisserais parler au lieu de m’interrompre. ». Et je l’ai planté là ! Son copain a eu beau me crier « Balle perdue, balle perdue ! Mouamar, Mouamar ! », je lui ai rétorqué : « Je suis venu pour me détendre ! Si vous perdez votre balle en jouant au lieu de travailler, vous n’avez qu’à la retrouver vous-mêmes. Et si tu veux tout savoir : si toi marre, moi, marre aussi ! ». J’espère que ça leur servira de leçon.
En plus, par malchance, j’étais tombé en pleine période de soldes : quelle cohue ! Et, chez eux, il y a apparemment surtout les soldes dans les pompes funèbres. Quelle ruée ! C’est fort déroutant quand on n’a pas l’habitude ! Et ça prouve aussi qu’ils ont très peu de distractions. Parce qu’en plus, leur programme télé, c’est nullissime ! À longueur de journée, le même type, une espèce de Batman version Lawrence d’Arabie qui vocifère pendant des heures, je ne comprends pas comment ils peuvent maintenir les téléspectateurs en haleine avec un feuilleton comme ça. Finalement, ce serait à recommencer, j’aurais encore préféré le Japon à la Libye : c’est aussi grouillant de monde, mais là-bas au moins, les gens s’écrasent.