Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
La grippe mexicaine
Impossible de ne pas le reconnaître, moi qui irradie généralement mon entourage de mon insouciante gaieté, aujourd’hui, je suis inquiet. Moi qui prenais les Mexicains pour de braves glandeurs comme moi, allongés sur le sol ou jouant de la guitare ou de la trompette dans les mariages des films de Belmondo, voilà que, sans crier estación (ils ne savent pas crier «gare» puisqu’ils sont mexicains, réfléchissez un peu), ils nous font un tour de cochon en nous envoyant la grippe du même nom.
Les éternels alarmistes diront bien sûr qu’à force de se goinfrer de saloperies comme le chili con carne, il fallait que ça pète un jour ! Moi, je sens simplement les choses. C’est pourquoi, je demande l’adoption d’urgence des mesures de précaution suivantes pour protéger MA ville de Binche (les autres, débrouillez-vous) :
1- au niveau alimentaire, en dehors de l’interdiction évidente des couteaux aztèques, faire mariner toutes les viandes de porc (lard, brochettes, etc.) dans du Détol avant chaque barbecue (en prenant garde aux risques d’explosion lors de la cuisson) et, comme dit le proverbe, deux précautions valant mieux que deux «tu l’auras», se gargariser la gorge à l’alcool avant chaque repas, même si on ne mange pas.
2- au niveau de la contamination, la maladie étant plus dangereuse pour les personnes âgées, imposer la quarantaine à toutes les personnes dépassant les trente-neuf ans. Je rassure ces personnes : il ne faut pas craindre la quarantaine, ma mère l’a connue, il y a pas mal d’années, et elle va bien.
3- au niveau des déplacements, éviter Binche. Soyons objectif, en dehors du carnaval, il n’y a rien à y foutre, à part pour raisons professionnelles (et je pense essentiellement ici aux dealers). Pour toutes les personnes qui ont néanmoins déjà réservé une croisière de quinze jours sur les remparts de Binche, les tours opérateurs binchois devront accepter d’échanger leur séjour contre un safari au Cora de La Louvière, zone jugée comme médicalement moins à risque, en raison de l’habitude que sa faune y a déjà, depuis belle lurette, de prendre les autres en grippe.
4- enfin, au niveau sanitaire, rendre le port du masque de protection obligatoire dans toute la ville, mais un masque de carnaval bien sûr :
- pour ceux qui ne sont pas atteints par le virus, un masque de Blanche-Neige sur le visage ;
- pour ceux qui sont contaminés, un masque d’Atchoum sur la bouche ;
- pour ceux qui sont médecins, un masque de Zorro ou de n’importe quel autre sombre héros sur le nez ;
- et pour ceux qui sont moches, un masque de n’importe quoi, on s’en fout, du moment qu’ils sont cachés, on ne va plus se pourrir la vie alors qu’on peut mourir d’une seconde à l’autre. Et si cette mesure entraîne une soudaine rupture de stock des masques, chacun pourra le remplacer par un chapeau de gille qu’il utilisera… en guise, en guise, en guiiiiiiii-se de pa-a-rasol, haï-aaah !