Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Comme dit toujours Marcel Habran qui, contrairement au compositeur Henri Pousseur, s’est rendu célèbre comme tireur et déteste le violon : « À chaque jour suffit sa peine ! ». Et, comme a plaidé son avocat, Marc Uyttendaele, qui a épousé une ministre socialiste pour être sûr d’avoir du boulot jusqu’à la fin de sa carrière sans être obligé de coucher : « S’il meurt en prison, il n’y survivra pas ». Mais la condamnation de Marcel Habran n’est rien à côté d’un des plus douloureux supplices de l’hiver, du drame secret face auquel chaque homme se retrouve plus démuni que Didier Reynders coincé dans un grand lit, tout nu, entre Rudy Aernoudt et Olivier Maingain : la peluche dans le nombril.
Le scénario est toujours pareil. Un jour que vous vous déshabillez pour vous coucher, un simple jour comme tous les jours que Dieu fait et que mon lacet… défait, suivez un peu, vous apercevez à vos pieds, sur le sol, une espèce de mouche écrasée, inerte et silencieuse. Cette mouche, c’est une peluche tombée de votre nombril, le début… de la malédiction honteuse de la peluche dans le nombril.
Et dès ce moment, vous ne pouvez plus vous déshabiller un soir sans guetter avec anxiété et découvrir avec effarement, dans votre nombril, votre fidèle nombril avec qui vous avez fait et tiré les 400 coups (au moins !), une boule de peluche qui est étrangement, à chaque fois, EXACTEMENT de la même couleur que votre pull. Et, comble de coïncidence, le phénomène surgit toujours, pile poil, et autant pile que poil, juste à l’âge où votre femme, copine, maîtresse, collègue de bureau, infirmière - biffer la ou les mention(s) imbaisable(s) - commence à plaisanter sur l’écart qui se creuse entre votre tour de cou et votre tour de taille. Pourtant, comme moi, vous en êtes sûr, vous en mettriez la main de votre sœur à couper, ça lui évitera d’en faire n’importe quoi : vous ne grossissez pas du bide.
Mais, à partir de ce moment-là, chaque hiver, dès le tout premier soir de déshabillage du tout premier jour de pull,… paf, repelote… une nouvelle peluche apparaît. Et elle est à chaque fois plus grosse, au fur et à mesure que des poignées d’amour (quel nom à la con !) achèvent, par je ne sais quel miracle culinaire, de transformer définitivement vos tablettes de chocolat en brioche. Bientôt, en une saison, vous avez de quoi vous tricoter une écharpe et parfois les moufles assorties, au point que vous pourriez devenir fournisseur pour Phildar.
Et le supplice se double d’un incompréhensible mystère : comment font ces fibres de votre pull pour traverser le tissu du tee-shirt ou du maillot de corps que vous avez enfilé sous votre pull et se retrouver, réunies en boule, au fond de votre nombril ? Il n’y a qu’une seule solution : la traversée se fait petite fibre par petite fibre, sournoisement, mesquinement, pendant toute la journée, et ces fibres se remélangent à la sortie avant de se planquer dans votre nombril. Si c’est vrai, dénonçons-le : les pulls sont des maniaques, des dérangés, des sadiques. Alors, je ne mâcherai pas mes mots, sinon vous m’obligerez à répéter : en avril, surtout… découvre-toi vite le nombril !