Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
La nouvelle orthographe
Comme me disait mon fils à qui je reprochais d’avoir envoyé un sms, à sa prof de français, en mettant deux «p» au mot «salope» : «Avec la nouvelle orthographe, on ne s’y retrouve plus !». Et moi, à l’heure où la presse commence à utiliser cette nouvelle orthographe, comme à mon fils, je vous dis le sans coup férir (et je ne dis pas «férir» parce que je suis humoriste) : avec la nouvelle orthographe, tout le monde va y gagner ! On écrit, par exemple, désormais «sagefemme» en un mot. Tant mieux ! Ça permettra de gagner du temps en faisant immédiatement la différence entre les sagefemmes en un mot qui font accoucher les autres et les sages femmes en deux mots qui refuseront de coucher avec vous.
Mais il faut aussi s’adapter à la nouvelle orthographe. Un casse-pied s’écrit, par exemple, maintenant sans «s» à pied. Je compte sur vous. Cassez-les moi donc moins fort ; il n’y en a plus besoin que pour un pied. Et vous aurez compris que je prends l’exemple avec «pied» parce que ma mère peut me lire et qu’elle ne sait pas que je dis parfois «couille»… Sèche-cheveu s’orthographie désormais avec «cheveu» au singulier. Respectez cette nouvelle orthographe ! Séchez vos cheveux un par un ; moi, ça ne me pose pas problème. Un tire-fesse s’écrit sans «s» à «fesse». Adaptez là aussi votre comportement. Quand on se prétend sportif au point d’aller skier dans un coin froid et perdu où moi, je n’irais même pas marcher, qu’est-ce que ça coûte de remonter une fesse à la fois ? On monte une première fesse en prenant le tire-fesse sans «s» et puis, on redescend chercher sa deuxième fesse.
Et on peut aller plus loin. «Bucheron» s’écrit sans accent circonflexe. Osons l’écrire aussi sans «h» ; un bucheron sans hache, quel geste généreux pour l’environnement ! De même, ne disons plus «une impuissance masculine», mais «une platebande», ce sera plus clair. Et ne disons plus «des partouzes» mais «des passepartouts», ce sera plus imagé. Et justement, tant qu’on est en route -comme me disait récemment une autostoppeuse qui était une sagefemme, mais en un mot, tant mieux-, bannissons du français tous les gros mots ! Ne disons, par exemple, plus «balcon» mais «bal-pas-très-malin», ni «pense-bête» mais «réfléchissez-Prince-Philippe». Et si vous n’y arrivez pas (c’est possible chez certains), respectez au moins le genre et le nombre. Ne dites, par exemple, plus «ma femme est une couille molle», mais «ma femme est un nichon mou». Un peu de logique, nom de… ! Euh… S’il vous plaît !