Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Moi qui n’ai jamais eu d’ami, je viens d’éprouver le sentiment inédit et tenace de perdre ma plus grande amie. En comparant le montant annuel des frais de mon compte courant avec celui des intérêts de mon compte épargne, j’ai réalisé : oui, ma banque va vraiment mal ! Ma banque, c’est pourtant la complice dévouée de mes bons et surtout mauvais jours. Ma banque, elle ne m’a jamais laissé tomber. Elle m’a proposé de m’aider à acheter ma maison en ne lui en remboursant que deux fois et demie son prix et à changer de voiture en lui remboursant à peine le prix d’une Formule 1 pour rouler dans un break… d’occasion ; je lui en serai éternellement reconnaissant !
Et quel sens de l’accueil ! La vitre pare-balles de l’agence n’a jamais été un obstacle à l’intimité entre nous. Et la porte était toujours ouverte à tous. Avec un seul guichet en service, pour permettre à tous de sympathiser, durant de longues minutes, parfois quelques heures quand c’était possible, avec ses voisins de file, tout en contemplant les employés de guichet discuter entre eux de la sinusite, de l’appendicite ou de la trou-de-ballite de leur fils, nous faisant ainsi comprendre que leur enfant est, finalement, aussi un peu le nôtre. Comme dans une vraie famille !
Que mon banquier sache donc que je ne suis pas un ingrat et qu’aujourd’hui que c’est lui qui vit un problème, il peut venir sonner chez moi, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, mais seulement entre 9 et 16 heures, sauf le jeudi après-midi et le week-end, bien sûr ! Comme lui avec moi, je trouverai toujours une solution pour l’aider ! Ça ne lui coûtera que :
- frais de sonnette : 15 euros pour l’année ;
- frais d’ouverture et de fermeture (de ma porte) : 40 euros ;
- frais de poignée de main : 2 euros, la main de cinq doigts (ou il peut se saluer lui-même gratuitement).
Il pourra retirer son manteau (frais de découvert : 25 euros par mètre de tissu, évidemment). Je lui offrirai une chaise (frais de dossier : 25 euros, je suis obligé) et il aura un café (frais de versement : 10 euros par café, et pas en liquide). S’il n’a plus de quoi manger, je peux même lui prêter un pot de confiture (avec possibilité de l’étaler sur vingt ans) ou lui cuisiner une côtelette (moyennant 50 euros de frais de porc par tranche, naturellement). Mon banquier, je ne veux pas le perdre et ça, je le lui redirai à l’infini, s’il acquitte, en plus, la somme de 25 euros par an pour l’assurance… de ma considération distinguée !