Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Même si les enfants sont à mes centres d’intérêt ce que l’augmentation du prix du carburant est à ma bicyclette, une entité inutile, je leur rends hommage de perpétuer, durant chaque été, pourri ou non, l’usage ludique d’un incomparable instrument de communion avec la nature : la tapette à mouche. Et la formule sera comme la colle de cordonnier et le type de poitrine que je préfère : forte ! Sus à la console vidéo qui encourage l’inactivité et banalise la violence par le virtuel ! Vive l’émerveillement de la découverte d’un jouet de violence simple qui concentre tout le génie inventif de l’homme !
La ménagère qui trucide, d’un coup de poignet rageur, le petit être bourdonnant imagine-t-elle la somme de calculs accumulés par son inventeur pour créer cet entrecroisement de lamelles qui conditionne la mouche en séparant, avec une précision extraordinaire, le jus de la pulpe ? Alors que l’enfant, lui, l’expérimente tactilement lorsqu’il presse, d’un doigt sale, la mouche seulement étourdie qui répugne à ce passage obligé par les trous de la tapette, et ne voyez aucune connotation homophobe dans ce propos.
Ce que tous ceux qui ont perdu leur âme d’enfant ont oublié, c’est que la tapette à mouche développe deux aptitudes physiques majeures chez nos charmantes têtes blondes :
1- le coup d’œil qui permet de distinguer, en un éclair, l’abdomen métallique de la mouche à merde de la grosse verrue faciale de la grand-mère assoupie ;
2- la sûreté du geste qui permet de ne pas transformer la frappe en longue traînée poisseuse évoquant confusément le clafoutis aux fraises dégoulinant sur la vitre.
Et le miracle de l’inventivité humaine est tel que la tapette à mouche permet de broyer, avec la même désinvolte candeur, les bourdons, les coccinelles, les papillons ou les testicules pendouillants du taureau assoupi. Même si, dans ce dernier cas, il convient d’exceller, immédiatement après, dans un autre jeu : courir vite !