Un bon coup de Gueule

Le coup de gueule du mois

Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

Les tests de lecture des élèves

Comme le beugle toujours à la cantonade un ancien camarade de classe qui dit autant de conneries quand il parle que quand il se tait : « Si j’aurais mieux appris à l’école, j’aurais sûrement pas fait chômeur ! ». Et c’est en voyant ce dégât collatéral de l’ancien enseignement rénové incapable de déchiffrer, en vingt minutes, l’étiquette de sa vingtième Chimay bleue qu’il avait avalée en vingt secondes que je me suis dit que je serais fier de pouvoir dire : « Heureusement que la Communauté française veut tester la compréhension à la lecture de mon fils ! ».

Et je voudrais faire fi du débat stérile qui entoure le contenu soi-disant violent des textes proposés à nos charmantes têtes blondes. Dans notre monde moderne, il faut appeler un chat un chat et un hot dog un chien chaud ! Quel père ne sera pas attendri de voir son fils voler proprement un MP3 dans une gare, grâce à son texte d’évaluation de niveau de lecture ? Et le gamin lui-même pourra claironner : « Mon MP3, c’est grâce à la Communauté française que je l’a volé sans me faire arrêter ! ». Quelle mère ne versera pas une petite larme discrète en voyant son fils lui annoncer, en se confectionnant distraitement une ligne de coke : « Melissa, c’est moi que je l’a culbutée chacun à son tour avec Mohamed et Kevin, grâce à la Communauté française ! » ? Et si ce genre d’approche scolaire s’étend, on peut même rêver qu’un jour, nos filles pourront porter bien haut l’étendard d’une nouvelle condition féminine retrouvée en s’écriant : « Fini les intérims dégradants pour illettrés ; grâce à l’enseignement de la Communauté française, je suis pute à temps plein ! »

Et c’est valable pour l’orthographe aussi ! Moi, oui, je suis ravi que, grâce à la Communauté française, je pourrais avoir une preuve scientifique que des termes comme « couilles » et « enculé » sont mieux manipulés (si j’ose écrire) par mon fils, parce qu’ils lui seront plus utiles dans la vie que « testicules » et « monsieur le directeur ». Ou qu’il ne confond plus les airs de viole qui sont toujours entraînants et les victimes de viol qui ne sont pas toujours entraîneuses.

Il faut songer à l’avenir de ces enfants inconscients des turpitudes de la vie ! Et je suis profondément attristé que les enseignants réfractaires à la modernité qui se récrient aujourd’hui contre la violence prétendument présente dans les textes des tests de lecture seront peut-être devenus trop sourds pour entendre, dans vingt ans, ces jeunes devenus adultes s’exclamer : « Moi, c’est grâce à la Communauté française que j’a retrouvé mon ancien copain de classe Christopher à la prison de Lantin ! ».


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