Un bon coup de Gueule

Le coup de gueule du mois

Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

Le record du TGV

Moi qui ne suis pourtant pas le moins rapide quand il s’agit de dire du mal ou de boire un verre, j’ai été sidéré par le record de vitesse pulvérisé par le TGV Strasbourg-Paris. 574,8 kilomètres/heure ! Quand, comme moi, on franchit les 4,18 mètres qui séparent son lit de sa douche en vingt minutes, on se dit que les vaches ne doivent pas le voir passer, ce train. Et on reste rêveur. Surtout si, comme moi, par un foireux concours de circonstances, on reçoit, le jour de ce record de vitesse, une enveloppe postée en Prior quinze jours plus tôt à Malmédy (Ce n’est pas une blague ! À raison de 121 Km à parcourir, ça fait du 1/3 de kilomètre à l’heure !). Et alors, on calcule…

À 574,8 Km/h, on peut terminer de manger une tarte à l’Djote à Nivelles à treize heures, digérer avec une eau de Villée à Biercée à 13h05 et 27 secondes (et même en reboire une autre parce qu’on ne va jamais sur un rail), avant d’aller acheter sa couque à Dinant à 13h11 et je vous fais grâce cette fois des secondes, parce que j’en ai marre de ces calculs à la con et, en plus, je déteste les couques de Dinant ! À 574,8 Km/h, ma lettre de Malmédy me serait parvenue en 12 minutes 38 secondes au lieu de quinze jours. Moins de temps que je n’en mets, une fois par an, pour offrir une bière tiède périmée à mon facteur pour le dégoûter de resonner l’année d’après, et pour lui acheter le calendrier de La Poste que je jette de toute façon parce qu’il n’y a jamais de femmes à poils dedans. À 574,8 Km/h, je peux partir de Binche à 8 heures, déposer ma mère à Lourdes à 9h57 et revenir avec une mère toute neuve à Binche à 11h54… tout juste pour aller chercher le gamin à midi à l’école, si on est mercredi.

Et si on raccourcit les distances, c’est encore plus hallucinant. À 574,8 Km/h, mon ex pouvait sortir de la salle de bains en… disons… ne soyons pas vache, je suis sentimental et elle baisait quand même bien… trois secondes. C’est 1080 fois mieux que les 54 minutes qu’elle y restait en moyenne, et encore, je ne vous parle que de l’horaire d’hiver, c’est-à-dire sans épilation ! À 574,8 Km/h, mon fils peut déposer son linge dans la manne - comptons six mètres de déplacement - en 4 centième de seconde au lieu de deux semaines.

Et c’est vrai aussi pour mon quotidien personnel ! Si un petit besoin naturel urgent me surprend tout à coup et que je parviens à filer à 574,8 Km/h comme ce TGV, je peux commencer à faire pipi sur la chaise de mon bistrot préféré et arriver devant l’urinoir, avant que la première goutte ne tombe. Un seul inconvénient : si tous les urinoirs sont occupés quand j’arrive, je suis mal et il ne me reste plus qu’à faire le poirier pour récupérer la goutte égarée et à filer aux toilettes des dames en priant pour que la vision de mon anatomie exceptionnelle n’y crée pas une émeute bien compréhensible !


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