Un bon coup de Gueule

Le coup de gueule du mois

Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

L'image 147

Comme disait le footballeur anderlechtois Bart Goor à son collègue standarman Sergio Conceiçao : chacun ses petits plaisirs, moi, je ne crache pas dessus. Quand j’étais enfant, j’avais la joie d’encore croire que les « mauvais blancs » désignaient les bandits racistes de « Tintin au Congo » et non un club dont les dirigeants paient grassement des analphabètes tricheurs avec l’argent des gueuzes que je bois quand, avec mes copains, on a épuisé le stock de chopes d’un cafetier imprévoyant mais patient. Pourtant, moi aussi, un de mes plaisirs préférés d’enfant naïf a été le football et surtout les figurines Panini.

À l’époque, il y en avait qui échangeaient Paul Van Himst contre Christian Piot ou Wilfried Puis contre Jean Thissen, dans lesquels les plus jeunes reconnaîtront sans doute l’un des vieux qui trichent aujourd’hui, lors de la soirée loto du lundi, dans la maison de retraite de leur arrière-grand-mère. Moi, les vedettes, je m’en foutais. Mon plaisir suprême était d’avoir l’image 147, le back gauche réserviste du Crossing de Schaerbeek ou du F.C. Liégeois, l’image que personne n’avait.

Et je me pavanais, pendant plusieurs semaines, avec cette image, sans la coller dans mon album, courtisé par tous les caïds de la récré. Ils avaient beau me proposer le paquet complet de doubles qui faisandait au fond de la poche de leur pantalon moule-burnes (c’était la mode à l’époque), y ajouter leurs deux chocolats Victoria (ça existait encore à l’époque) et un rancard près du marronnier du parc avec leur sœur pubère (j’en connaissais encore à l’époque), je restais inflexible.

Jusqu’à ce qu’un jour, je débarque à la récré avec mon album complètement vide. Mesurant mes effets, je sortais alors ma pile maigrichonne d’images, en extrayais les trois exemplaires de l’image 147 que j’avais secrètement récoltés et, prenant un air dégagé, je les collais l’une sur l’autre, à l’emplacement voulu. Quelle jubilation !

Une jubilation qui est, hélas, ternie aujourd’hui par l’affaire des matchs truqués. Parce que mon plaisir que je croyais intense n’était rien à côté de celui que connaîtront les générations futures de collectionneurs Panini. Ces morveux qui, grâce à un Chinois plus véreux que moi, qui rachètera bientôt tous les clubs de football du pays, auront la chance, lors de la saison 2014-2015, de découvrir la victoire 19-0 du Chop Soey d’Anderlecht sur le Babipan Genk et la surprenante défaite 0-11 du Wan Tan de Liège contre les nouilles sautées de Charleroi !


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