Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Il n’entre pas dans mes habitudes de dévoiler gratuitement ma vie privée, mais je vais vous confesser un gros défaut : je suis très dépensier. Et je viens d’atteindre le sommet de mon vice : j’ai passé le réveillon de nouvel an avec Marie Arena.
Quoi de plus naturel, me direz-vous, entre deux Binchois, fleurons du patrimoine de l’humanité ! Et puis, Marie est un peu à la politique ce que je suis à l’humour : une beauté sauvage qui jette un voile d’érotisme sur un monde de brutes. La seule différence entre nous , c’est qu’elle, quoi qu’on en ait dit, elle est restée très simple. C’est donc elle qui a insisté pour que notre petit réveillon sans chichis se passe dans un Mac Do.
Quand je suis arrivé, mon regard s’est tout de suite porté sur sa chevelure scientifiquement ébouriffée par son capilliscénographe (1784 euros) et je me suis empressé de la débarrasser du… siège qui lui encombrait les bras (elle ne se déplace plus sans un fauteuil de son cabinet – 1245 euros). Nous nous sommes langoureusement installés et je l’ai complimentée sur sa robe dessinée par sa costumoscénographe (1487 euros) pendant qu’elle jetait un coup d’œil circulaire sur le Mac Do redessiné, pour la circonstance, par son archiscénographe (2489 euros) et redécoré en Mac Mickey, pour faire plus joyeux, par son conceptoscénographe (1449 euros – pour les naïfs peu au fait des tendances commerciales de pointe, tous les prix que je vous dévoile sont bien sûr hors TVA et provisoirement confidentiels).
Côté repas, tout s’est passé simplement. Marie a refusé un Big Mac dont le nom lui faisait trop penser à Elio Di Rupo et elle a opté pour un Big Fish qui lui faisait penser au regard de Michel Daerden. Nous avons attendu son plat pendant deux heures vingt-trois minutes, le temps pour son food designer de le redessiner (3478 euros hors TVA – c’était un peu cher, mais c’était le tarif haute saison). Marie a donc eu droit au premier hamburger carré qui utilise les quatre coins de la boîte en frigolite, preuve qu’elle a le sens des économies.
Moi, j’ai pris un Big Cheese, une petite frite et un coca moyen que j’ai discrètement demandé de me servir mélangés dans un cendrier (12 euros 50, hors cendrier) pour ne pas paraître trop scénographiquement ordinaire. J’ai mangé la mixture avec des baguettes chinoises, prétendant que c’était le fruit d’une étude de mon bouffoscénographe personnel, et je suis allé tout vomir aux toilettes réalisant, au passage, une belle fresque murale qui épargnait à Marie de devoir faire appel à un chiottoscénographe. Ça m’a coûté 50 centimes et une engueulade d’une madame pipi qui n’y connaissait rien en scénographie, c’est pitoyable.
Pressé et mû par un irrépressible noir dessein, j’ai offert à Marie un expresso (que j’ai appelé « caféinodécoction affinée par mon torréfacteur-scénographe » pour qu’elle consente à le boire) et j’ai proposé de la raccompagner en voiture, ce qu’elle a accepté, par souci d’économie, sur les conseils de son voyagoscénographe (1627 euros hors TVA). Après lui avoir fait le coup de la panne d’essence (zéro euro TVA incluse), j’ai essayé de lui montrer physiquement que je n’étais pas une mauvaise langue et lui ai proposé de la sauter pour zéro euro capote incluse. Sa seule réponse a été une grande claque dans la gueule. Ça m’apprendra à ne pas avoir de bitoscénographe !