Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Objectivement (ou presque) je ne suis pas un crétin, mais je ne comprends plus Saint-Nicolas. J’ai même de plus en plus de mal à avoir confiance en lui. Déjà, il y a deux ans, j’ai eu un doute. Comme chaque année depuis mes trois ans, je mets une carotte sur mes pantoufles, devant la cheminée, pour son âne. Saint-Nicolas la prend en me déposant mon cadeau, comme d’habitude. Le lendemain, stupeur, je retrouve cette carotte dans le frigo de ma mère, à dix kilomètres de chez moi, et je réalise avec effroi que Saint-Nicolas fait du trafic de légumes.
L’année passée, je vais, comme chaque année, dire bonjour à Saint-Nicolas au Cora de La Louvière. Sachant tout ce qui se passe régulièrement dans l’Église avec les enfants de mon âge, même si je suis un peu grand, j’ai peur, mais ma mère me rassure et j’accepte de m’asseoir sur ses genoux (de Saint-Nicolas, pas de ma mère, suivez un peu) pour faire la photo, malgré qu’il sente le tabac, la bière à bas prix et les chaussettes pas changées. Je me retourne pour voir si le Père Fouettard a toujours son costume qui bouffe sur les genoux et moule trop fort au niveau du slip et, paf, surprise, Fouettard a disparu. Saint-Nicolas a licencié tout son personnel. Pour la facilité, il l’a peut-être même dénoncé pour le faire expulser du pays. J’avais déjà senti que son entreprise allait mal l’année d’avant, quand il m’avait offert quatre caramels alors que je lui avais demandé une panoplie complète de la Reine des Neiges pour moi et des nouvelles dents qui tiennent bien pour ma mère, mais à ce point-là, je n’imaginais pas.
Et, cette année, ça a été le coup de massue ! Mercredi, je vais chercher mon dessin à colorier à la mutualité socialiste et là, patatras : sur ma feuille, Saint-Nicolas n’a plus de croix sur son chapeau. Juste un bête rond ! Déjà son chapeau de gille sans plume, c’est minable, mais avec un rond au lieu d’une croix, ça fait évêque qui part faire le casting pour travailler chez Michou. Alors, aujourd’hui, je lance un appel vibrant à Saint-Nicolas : si, l’année prochaine, j’apprends que tu as remplacé ta crosse par une éolienne pour ne pas choquer les écologistes, ton âne par une brouette pour ne pas choquer les animaux et tes cadeaux par des bons d’achat taxés à 50% pour ne pas choquer les libéraux, j’enverrai ma liste chez Amazon : eux, au moins, ils te livrent le vrai cadeau que t’as demandé et ça te coûte zéro euro en frais de carottes.