Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Même quand ils sont tellement nés le cul dans le beurre qu’ils ont les fesses qui font du cholestérol, les gens essaient vraiment de faire de l’argent avec tout. Il y a quelques jours, un lot de lettres d’amour échangées entre l’ambassadeur britannique aux États-Unis et Jackie Kennedy, juste après l’assassinat de son mari John, a été adjugé pour 116.000 euros. Ce n’est pas parce que je suis assis en ce moment que je dis ça, mais je suis sur le cul… et sans beurre, hein !
Donc, en résumé, pendant quelques mois, le gars a pris de temps en temps un bête stylo et une bête feuille et il a écrit à la nana : « Vous m’avez l’air d’un bon coup. Je ne me suis jamais tapé une présidente des États-Unis. Je vous aime. » (je reconstitue à l’improviste, hein) Et Jackie, elle lui a répondu : « Tu me prends pour Elisabeth Taylor ? Moi, je suis la femme d’un seul amour. D’ailleurs, je vais me remarier avec Onassis ; il est moche, vieux et il fait pipi de travers, mais il est plein de tunes. » (en grand résumé, hein) Prix de revient de la correspondance : 30 centimes d’encre + 20 centimes de papier, ça fait 50 centimes. Je ne compte pas le coup de langue pour coller le timbre, il était gratuit, ni les timbres, ils ont été payés par leur administration (si ça se fait en Wallonie, ça se fait partout !).
Voilà ! Et ça en reste là pendant 50 ans. Puis, un jour, il y a un enfoiré de fils ou de petits-fils de l’ambassadeur qui se dit : « Tiens, y a les lettres de l’autre épave qu’on vient de liquider au home qui traînent là, je vais essayer de me faire du blé avec. Ça me paiera ma drogue ou, au pire, si ça ne vaut rien, j’aurai une poignée de monnaie pour me saouler un soir. » L’intuition du riche, quoi ! Et là, surprise ! Non seulement le type vend sa paperasse, mais, avec 116.000 euros, il récolte de quoi se payer plus de drogue ET plus d’alcool que Johnny Hallyday et Gérard Depardieu réunis.
La question est maintenant de savoir si cette vente est un coup de bol de cocu de kermesse ou si tous les courriers de star valent ce prix-là. Pour tester, je vais donc exceptionnellement mettre en vente aujourd’hui la seule lettre d’amour que j’ai reçue et dont je tiens à garder sous silence le nom de l’expéditrice. Voici cette lettre :
Domének,
Je dois partir à l’improviste cet après-midi pour racheter du Fixodent, parce que mon bridge est resté accroché dans ma cuisse de poulet et je n’arrive plus à le retirer. Est-ce que tu veux bien venir garder Snoopy pendant une heure ? Il t’aime plus que tous les autres voisins pour jouer à la baballe avec lui ! Surtout quand il la dépose sur ton ventre comme l’autre jour, qu’il se trompe de baballe en la reprenant pour jouer et qu’après, tu hurles comme lui quand le téléphone sonne. Merci d’avance !
P.S. : La cuisse de poulet avec mon bridge est dans le frigo. Si tu as faim, tu peux manger ce qui reste…
Voilà ! Cette lettre est à vendre aujourd’hui. Mise à prix : euh… 2 euros. Et, en cadeau bonus, j’offre le reste de cuisse de poulet de ma voisine Fernande : je n’ai pas tout mangé.