Un bon coup de Gueule

Le coup de gueule du mois

Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !

Mon changement professionnel

Il y a des jours où il faut oser remettre en question ses choix professionnels. Aujourd’hui, mon tour est venu : je vais changer de boulot. Je profite donc de l’occasion pour l’annoncer publiquement : je postule officiellement pour être administrateur d’une intercommunale à Liège. Il faut savoir, à un moment donné, se mettre au service des autres. C’est un choix douloureux pour moi : je dois renoncer aux sommes modestes que je gagne comme chroniqueur de la RTBF, mais je saurai hausser mon train de vie pour profiter autant de l’argent des citoyens que mes collègues. 

J’ai énormément d’atouts pour exercer ce boulot !

- Ma première qualité : je connais beaucoup de choses sur Liège. Je sais, par exemple, que la spécialité culinaire de Liège, c’est le boulet. Et maintenant, je sais aussi en plus que, dans leurs intercommunales également, leur spécialité, ce sont les boulets !

- Ma deuxième qualité pour ce travail : je n’y connais rien en intercommunale. Et, si je peux choisir, j’irai plutôt dans l’intercommunale de l’énergie, vu que je suis un grand spécialiste de l’économie d’énergie, en tout cas de la mienne. Je saurai donc très facilement ne pas assister à des réunions et être payé quand même. Et j’accepte de démarrer au même prix que les autres : juste que 517 euros la minute, je voudrais savoir si ça ne peut pas être payé au noir. Être wallon et ne pas être payé au noir, c’est comme aller faire ses courses à Cora sans voler un petit quelque chose : on se sent tout drôle !

- Ma troisième qualité pour ce job : je sais faire semblant que je suis étonné, quand on me surprend à faire une connerie. J’ai d’ailleurs déjà préparé quelques excuses pour quand je serai dans l’intercommunale, du genre « Comment je pouvais savoir que je gagnais autant à la minute puisque je n’assistais jamais aux réunions ? »

- Enfin, quatrième qualité : j’habite pas loin de Charleroi et, s’il y a bien une ville où la gestion a été irréprochable, c’est là-bas. Et s’il y en a qui doutent de mon lien avec cette ville, j’en ai la preuve : c’est un camion de la Ville de Charleroi qui m’a livré ma chaudière, il y a douze ans. D’ailleurs, j’en profite pour rappeler à l’échevin de la Ville que les ouvriers communaux ne sont jamais venus faire l’entretien de cette chaudière ; en douze ans, je ne trouve pas ça très sérieux, mais bref !

Voilà ! Finalement, mon seul handicap pour ce boulot, c’est que je suis trop franc. Comme dit ma voisine Fernande : « Je n’ai pas de porte de derrière », même qu’à chaque fois qu’elle le dit, je pense : « De toute façon, la sienne, y aurait jamais personne qui aurait envie de l’ouvrir ». Et, dans une intercommunale, il faut toujours prévoir une porte de derrière pour sortir sans se faire voir quand ça sent le roussi !


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