Pendant une quinzaine d’années, Dominique Watrin a publié mensuellement sur ce site une chronique « coup de poing » sur une sujet majeur (ou mineur) inspiré par l’actualité chaude (et quelquefois simultanément glaciale) du mois. Ces textes parfois repris sur les planches pour des cours de seul-en-scène, parfois même étudiés dans les écoles, mêlaient faits de société, vérité pas bonne à dire et mauvaise foi à peine dissimulée, le tout sous une forme courte, choc, mais incroyablement digeste. À lire ou à relire… pour le plaisir ou le déplaisir !
Comme disait fort judicieusement un expert nucléaire japonais, la veille du bombardement d’Hiroshima : « L’exemple vient toujours d’en haut. ». Aujourd’hui, tous les experts, qu’ils soient experts Las Vegas, experts Miami, experts Fraipont ou Experts Fouettard, ont inventé un concept qui leur permet de dire n’importe quoi, n’importe quand : le risque zéro.
Un carnage est perpétré, dans un piétonnier de Barcelone non protégé malgré les menaces terroristes, par une attaque à la voiture bélier (entre parenthèses, je n’ai jamais vu un bélier conduire une voiture, mais soit !) et les spécialistes en chœur commentent, en fronçant les sourcils parce que ça donne l’air plus malin : « Le risque zéro n’existe pas. » Donald Trump et Kim Jong-je-ne-sais-plus-combien se menacent mutuellement d’un tonnerre de feu qui va raser toute la planète, même que, moi, je m’en fous d’être rasé, je suis déjà chauve, et tous les experts rigolo-stratégiques déboulent dans les médias proclamer, la bouche en cul-de-poule : « Le risque zéro n’existe pas. »
Amis experts de rien du tout comme moi, soyons donc désormais tous à la mode comme eux et adoptons nous aussi cette formule magique qui nous rendra plus légers face aux malheurs de la vie.
1- Vous vous présentez, par exemple, au guichet de Proximus parce qu’on vous réclame le paiement d’une facture de téléphone que vous avez déjà payée et que vous n’arrivez jamais à joindre leurs bureaux par téléphone, et le préposé vous dit de revenir le lendemain. Mettez-lui une grosse claque sur les deux joues puis, après lui avoir fredonné « Les quatre saisons » de Vivaldi pendant vingt minutes dans l’oreille, susurrez-lui : « Le risque zéro n’existe pas ».
2- Vous vous re-présentez le lendemain au guichet de Proximus et l’employé de la veille vous informe que l’envoi du rappel est une erreur, mais que vous devez quand même payer la facture et qu’on vous la remboursera après, en se protégeant les joues pour éviter les claques. Mettez-lui un bon coup de pied dans les breloques et, après lui avoir fredonné dans l’oreille « Le zizi » de Pierre Perret pour déconner, susurrez-lui : « Le risque zéro n’existe pas. »
3- Vous mettez un pétard pirate dans la tartine de votre épouse, le 1er avril, pour qu’elle se rappelle que c’est la subtilité de votre humour qui l’a séduite, et elle râle de votre blague. Faites-lui articuler, avec ce qui lui reste de dents, de mâchoire, et de boîte crânienne si le pétard était trop puissant : « Le vifque véro n’exvivte pas. »
4- Enfin, votre fils, qui a hérité du Q.I. de sa mère, rentre de sa seconde session en math en vous annonçant « Je triple, tu ne vas quand même pas me frapper pour ça ! », alors qu’à chaque fois que vous lui demandiez d’étudier pendant les vacances, il vous répondait « T’inquiète, je gère ! ». Explosez-lui la tête avec sa Playstation en lui disant : « Si tu avais étudié tes maths, tu le saurais : le risque zéro n’existe pas. »